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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

bien les légitimistes se sont fourvoyés dans cette vaine protestation contre une formalité de séance royale ; c’est ainsi qu’ils ont perdu la question de la présidence d’âge. Certes, la chambre des députés a commis ici un monstrueux abus de pouvoir ; elle a violé la loi qu’elle s’était faite à elle-même, ce réglement, barrière imposée aux caprices des majorités. Le serment est chose absurde en droit sous un régime de souveraineté populaire ; le parti légitimiste s’y soumet comme à une nécessité, et il a raison ; et puis voilà qu’il s’efface pour une simple formalité, pour ne point parader devant un trône. À quoi tout cela peut-il aboutir ? à s’isoler dans la chambre, à n’avoir aucune influence sur la majorité, à rapprocher du ministère certaines convictions qui seraient restées dans l’opposition et qui s’effraient d’une attitude si bruyamment hostile. On se crée des inimitiés gratuites ; on se divise, on se morcelle ; si le parti légitimiste commet encore une ou deux fautes semblables, rien ne pourra le sauver dans le parlement ; il aura des talens isolés ; il ne sera point une force. Il est important que le côté gauche ne se perde pas par de ces grosses fautes dont le ministère sait profiter avec assez d’habileté ; il faut qu’il abandonne toutes ces déclarations pour ou contre la dynastie, tous ces larmoiemens pour la royauté ou toutes ses aigreurs contre elle. En Angleterre, le parlement ne comprendrait pas que dans les discussions graves d’intérêt public on y mêlât des expressions de dévouement envers la maison de Hanovre, ou des plaintes contre elle ; la nation, ses intérêts généraux, l’utilité publique, voilà les objets dont s’occupent la majorité et la minorité. Dans le moment solennel où arrive le vote par divisions, jamais un membre du parlement ne se décide par son amour ou par ses haines contre la royauté ; elle est une abstraction qu’on secouerait au besoin, sans que le moins du monde le pays en fût affecté.

Le caractère et le talent qui se rapproche le plus de M. Odilon Barrot est celui de M. Pagès (de l’Arriège). C’est un orateur plein d’études classiques, avec une affectation imitatrice de la manière des anciens et du parlement d’Angleterre. La prétention de M. Pagès paraît être de jouer, sous la révolution de juillet, le même rôle qui éleva haut sous la restauration M. Royer-Collard, c’est-à-dire, cette manière de prophétie, ces plaintes plus philosophiques que matérielles, retentissant à la tribune pour flétrir de ses mépris les hommes et les actes qui polluent la révolution de juillet. Cette solennité d’un talent d’ailleurs remarquable, ces formes sentencieuses sont de nature à jeter quelque impression sur l’assemblée qui écoute ; comme M. Pagès se tient dans les régions très élevées où les personnalités se rencontrent difficilement, comme sa phrase est toujours étudiée et réfléchie, il est rare que ce talent blesse la majo-