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UNIVERSITÉS ALLEMANDES.

feuillage qui lui formaient une couronne. Le premier toast était pour le roi, recteur de l’université, le second pour lui. Le professeur Wendt lui apporta des vers qu’il lut avec des yeux pleins de larmes. Puis il voulut parler, nous remercier, et l’émotion arrêta sa voix. Noble et digne vieillard ! avec son large front, sa chevelure blanche comme l’argent, son regard encore vif et hardi, il était là comme un de ces anciens héros dont l’art et la poésie nous dépeignent la force et la majesté. Quand la première rumeur que le toast avait fait naître fut passée, il se tourna du côté de ses voisins, et se mit à leur raconter sa vie ; il dit comment il était devenu docteur, quels voyages il avait entrepris, et quelle année il avait commencé à professer[1]. C’était aussi une épopée, mais l’épopée toute pacifique d’un Nestor d’université. Qu’elles sont belles ces fêtes de la science où l’on célèbre ainsi la première entrée d’un professeur dans sa longue carrière, et où lui-même recueille avec tant de joie ses souvenirs, et dit à ses amis quels furent ses travaux et ses paisibles conquêtes !

À la fin du dîner, Heeren fut reconduit chez lui par la même députation qui était allée le prendre le matin, et le soir les étudians se rassemblaient sous ses fenêtres et chantaient des hymnes en son honneur.

Dans trois ans on célébrera à la fois sa cinquantième année de professorat et l’anniversaire séculaire de l’université ; ne sera-ce pas une admirable fête ?

Il me reste encore à parler de la ville. Elle est située au pied d’une colline, dans une plaine large et fertile, et les arbres fruitiers, les jar-

  1. Heeren est né à Brème, le 27 octobre 1760. Il vint en 1779 faire ses études à Goettingue, et reçut en 1784 le grade d’assesseur auprès de la société des sciences. En 1785, il fit un voyage à Vienne, Venise, Florence ; visita la Sicile, le Milanais, le Piémont, la France, la Belgique, la Hollande, revint à Goettingue en 1787, et y fut nommé professeur de philosophie. Depuis il n’a plus quitté la ville où il avait été élevé, où il était devenu maître. En 1793, il écrivit ses Idées sur la politique, que l’on retrouve aujourd’hui traduites dans toutes les langues de l’Europe ; en 1803, son essai sur la réformation ; en 1808, son ouvrage sur l’influence des croisades, que l’Institut de France couronna, et d’année en année une quantité d’essais historiques qu’il composa pour l’académie des sciences de Goettingue, et d’autres ouvrages d’une plus grande étendue qui tous mériteraient une longue et sérieuse analyse. En 1801, il fut nommé professeur d’histoire et successivement membre de l’académie des sciences de Munich, Copenhague, Berlin, Paris, etc.

    On publie maintenant à Goettingue une édition complète de ses œuvres, en dix volumes in-8o. Les neuf premiers volumes ont paru.