tible. La sœur Agathe consentait à descendre au parloir, mais à condition que ce serait pour dire et recevoir un adieu éternel.
La malheureuse Teresa parut au parloir plus morte que vive. Il fallut qu’elle tînt la grille à deux mains pour se soutenir. Don Juan, calme et impassible, savourait avec délices le trouble où il la jetait. D’abord, et pour donner le change à la tourière, il parla d’un air dégagé des amis que Teresa avait laissés à Salamanque, et qui l’avaient chargé de lui porter leurs complimens. Puis, profitant d’un moment où la tourière s’était éloignée, il dit très bas et très vite à Teresa.
— Je suis résolu à tout tenter pour te tirer d’ici. S’il faut mettre le feu au couvent, je le brûlerai. Je ne veux rien entendre. Tu m’appartiens. Dans quelques jours tu seras à moi, ou je périrai ; mais bien d’autres périront avec moi.
La tourière revint. Dona Teresa suffoquait et ne pouvait articuler un mot. Don Juan cependant, d’un ton d’indifférence, parlait des confitures, des travaux d’aiguille qui occupaient les religieuses, promettait à la tourière de lui envoyer des chapelets bénis à Rome, et de donner au couvent une robe de brocard pour habiller la sainte patrone du couvent le jour de sa fête. Après une demi-heure de semblable conversation, il salua Teresa d’un air respectueux et formel, et la laissa dans un état d’agitation et de désespoir impossible à décrire. Elle courut s’enfermer dans sa cellule, et sa main, plus obéissante que sa langue, traça une longue lettre de reproches, de prières et de lamentations. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’avouer son amour, et elle s’excusait de cette faute par la pensée qu’elle l’expiait bien en refusant de se rendre aux prières de son amant. Le jardinier qui se chargeait de cette correspondance criminelle apporta bientôt une réponse. Don Juan menaçait toujours de se porter aux dernières extrémités. Il avait cent braves à son service. Le sacrilége ne l’effrayait pas. Il serait heureux de mourir, pourvu qu’il eût serré encore une fois son amie entre ses bras. Que pouvait faire cette faible enfant habituée à céder à un homme qu’elle adorait ? Elle passait les nuits à pleurer, et le jour elle ne pouvait prier, l’image de don Juan la suivait partout ; et même quand elle accompagnait ses compagnes dans leurs exercices de piété, son corps faisait machinalement les gestes d’une