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de fausses clefs ; mais on le trouva hardi, et sa proposition fut sinon rejetée, du moins indéfiniment ajournée.

Depuis un mois à peu près, don Juan et don Garcia roucoulaient assez inutilement sous les fenêtres de leurs maîtresses ; une nuit très sombre ils étaient à leur faction ordinaire, et la conversation durait depuis quelque temps à la satisfaction de tous les interlocuteurs, lorsqu’à l’extrémité de la rue parurent sept à huit hommes en manteaux, dont la moitié portait des instrumens de musique.

— Juste ciel ! s’écria dona Teresa, voici don Christoval qui vient nous donner une sérénade. Éloignez-vous pour l’amour de Dieu, ou il arrivera quelque malheur !

— Nous ne cédons à personne une si belle place, s’écria don Garcia, et élevant la voix : Cavalier, dit-il au premier qui s’avançait, la place est prise, et ces dames ne se soucient guère de votre musique ; donc, s’il vous plaît, cherchez fortune ailleurs.

— C’est un de ces faquins d’étudians qui prétend nous empêcher de passer ! s’écria don Christoval. Je vais lui apprendre ce qu’il en coûte pour s’adresser à nos amours ! À ces mots il mit l’épée à la main. Celles de deux de ses compagnons en même temps brillèrent hors du fourreau ; Don Garcia, avec une prestesse admirable, roulant son manteau autour de son bras, mit flamberge au vent et s’écria : À moi, les étudians ! Mais il n’y en avait pas un seul aux environs. Les musiciens, craignant sans doute de voir leurs instrumens brisés dans la bagarre, prirent la fuite en appelant la justice, pendant que les deux femmes à la fenêtre invoquaient à leur aide tous les saints du paradis.

Don Juan, qui se trouvait au-dessous de la fenêtre la plus proche de don Christoval, eut d’abord à se défendre contre lui. Son adversaire était adroit, et en outre il avait à la main gauche une targe en fer dont il se servait pour parer tandis que don Juan n’avait que son épée et son manteau. Vivement pressé par don Christoval, il se rappela fort à propos une botte du seigneur Uberti, son maître d’armes. Il se laissa tomber sur sa main gauche, et de la droite, glissant son épée sous la targe de don Christoval, il la lui enfonça au défaut des côtes avec tant de force, que le fer se brisa après avoir pénétré de la longueur d’une palme. Don Christoval poussa un cri et tomba baigné dans son sang. Pendant cette opération, qui