Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/377

Cette page a été validée par deux contributeurs.
373
REVUE. — CHRONIQUE.

dans la mesure qui vient d’être arrêtée au conseil, à l’égard des sous-officiers de l’armée, et qui reçoit déjà un commencement d’exécution. Dans le portefeuille que le maréchal Soult remit aux mains du maréchal Gérard, se trouvait un rapport sur les sous-officiers de l’armée, et particulièrement sur les sous-officiers de cavalerie qui ont été arrêtés récemment en Lorraine, et traduits devant la cour des pairs. Dans ce rapport, on rappelait que la plupart des sous-officiers, aujourd’hui en activité, sont des jeunes gens entrés comme simples soldats au service en 1830, immédiatement après la révolution de juillet, et qui étaient alors, les uns avocats ou étudians en droit, les autres commis ou voués à des professions libérales. À cette époque, une guerre semblait inévitable, et tous ces jeunes gens s’étaient enrôlés dans l’espoir d’un avancement rapide ; leur éducation les éleva bientôt, en effet, au grade de sous-officier que la paix les a empêchés de franchir.

C’est parmi eux que fermentent surtout les idées républicaines, qui, pour un grand nombre, se résument dans la pensée d’obtenir une épaulette. Le rapport concluait à la mise en retraite de toutes ces jeunes têtes dangereuses pour l’armée, et cette conclusion était fortement approuvée par le maréchal Soult. Le maréchal Gérard a pensé, au contraire, que le retour de tous ces sous-officiers dans leurs familles ne ferait que répandre le mal au lieu de l’éteindre, et il a décidé qu’un certain nombre de promotions au grade de sous-lieutenant seraient faites dans cette classe qu’on voulait proscrire ; ce travail paraîtra très prochainement.

Au reste, la présidence du maréchal Gérard ne changera rien à la direction qui avait été précédemment donnée aux affaires. Les négociations diplomatiques ne seront pas plus soumises à M. de Rigny qu’elles ne l’étaient à M. de Broglie ; M. Thiers ne continuera pas moins de tourner les lois, faute de courage pour les violer ; M. Persil ne sera pas moins acharné contre la presse, et le télégraphe ne jouera pas moins à la bourse pour les ministres, que par le passé. Tous les changemens qui pourraient encore survenir dans le ministère n’auraient pas plus d’importance que celui-ci, à moins qu’ils ne fussent provoqués d’une manière immédiate par la chambre ; ce n’est qu’un ministère sorti de la volonté d’une chambre indépendante qui pourrait avoir lui-même assez d’indépendance pour n’être pas une simple assemblée de commis à qui l’on délaisse les affaires secondaires, et dont on recueille seulement l’approbation assurée d’avance, pour les grandes décisions qui se prennent dans une autre sphère. Certes le maréchal Gérard est un homme plein de dignité et d’honneur, qui ne se laisserait pas réduire de propos délibéré au rôle de mannequin politique ; sa présence au conseil et surtout au ministère de la guerre est même un