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d’enfoncer les verroux. Mais pour arriver là, il a fallu dix ans d’expérience au parti libéral ; nous ne sommes encore qu’à la quatrième année de la révolution de juillet. Les royalistes sont à l’école ; ils marchent, mais comme les partis marchent toujours, à pas de fourmis. Voyez combien il a fallu de temps pour comprendre une vérité si simple : à savoir qu’un parti ne doit pas s’annuler pour arriver à ses fins, et qu’il fallait aller aux élections pour donner signe de vie. On avait repoussé le serment avec indignation d’abord, maintenant on le prête. On s’assouplit à toutes les nécessités ; il le faut bien si l’on veut avoir une action quelconque dans les affaires. Plus tard, on se fera tory pour le triomphe des intérêts jacobites ; et sempre bene.

J’ai rappelé quelles seraient les nuances diverses du parti royaliste ; je dois esquisser quelques-uns des personnages principaux qui paraîtront à la tribune et au vote. Le parti légitimiste a envoyé l’élite de ses orateurs. Il n’en est pas encore à la seconde période, où il enverra ses hommes d’action. Il faut faire passer les doctrines avant d’arriver aux actes. Dans les élections prochaines, nous aurons les généraux, les débris de la garde ; nous n’avons encore que les orateurs. Vous connaissez la suavité de cette parole de M. Berryer, vide de grandes pensées, de fortes conceptions, mais qui pénètre par le charme de la voix, la facilité et le choix de l’expression, le geste animé et cicéronien, et cette tête belle de son large front, de sa douceur spirituelle et expressive. M. Berryer est jeune encore. Sa carrière politique est toute récente ; elle a commencé dans le parlement qui se réunit sous M. de Polignac ; il n’était connu jusque-là que par des improvisations brillantes de palais ; sans étude, sans dossier, il allait au barreau par inspiration, disait avec sentiment des plaidoyers chaleureux, et l’on se souvient de cette parole ardente qui sauva la propriété de M. Michaud dans la Quotidienne. M. Berryer est depuis quinze ans lié à la fraction royaliste qui conduisait M. de Polignac, ennemie de M. de Villèle, trouvant sa politique tiède, étroite, égoïste ; voulant aller droit et fort dans les idées d’une rénovation aristocratique et religieuse. Homme du monde, agréable dans un salon, M. Berryer était cher à la congrégation et aux jésuites ; il avait obtenu ce que M. Dupin cherchait à mériter en tenant certain cordon à Saint-Acheul, cette confiance d’un parti éclairé, qui sait deviner les talens et préparer les services. La première fois que M. Berryer prit la parole dans la chambre, ce fut à l’occasion de l’adresse des 221 ; il la combattit d’une manière brillante, mais sans succès. L’éclat de sa parole le fit remarquer du cabinet d’alors, qui lui fit offrir par M. de Chabrol le poste de sous-secrétaire d’état, ou une direction générale M. Berryer répondit avec esprit : Je vaux moins ou plus