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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

francs par mois et des fonctions si largement rétribuées de procureur-général à la cour de cassation ; si, non moins avide de bruits de bureaux, d’une popularité d’études de procureurs, on se livrait à des boutades sans goût, d’un esprit aussi commun, pour me servir de l’expression de l’un de mes collègues, qu’un dîner d’avocat au Veau qui tette, cette position n’aurait-elle pas son agrément, son utilité pratique ? On déclamerait contre les grands seigneurs ; on protesterait de son dévouement à l’auguste dynastie ; puis on se vanterait d’aller à la cour en gros souliers et de parler au roi le langage austère du ministre Roland.

En résultat, quelle résolution peut empêcher le tiers parti ? Quel rôle politique a-t-il joué ? Où sont les ministres de son choix, les actes de son inspiration ? « Nous ne sommes pas ministériels, ont-ils dit aux électeurs ! » Et dans quelle circonstance avez-vous osé l’avouer hautement ? Oui, sur de petites questions de détail, vous avez servi les petites passions d’une fraction du ministère contre l’autre ; vous avez servi M. Thiers contre M. Guizot ou contre le maréchal Soult ; vous avez fait renvoyer M. de Broglie : mais un rôle, mais une position, vous n’avez pas pu le jouer parce que vous n’avez aucune couleur, et c’est ce qui jette sur le parlement dominé par le tiers parti, cette pauvreté d’opinion, cette absence de toute puissance politique, de toute destinée historique.

La chambre nouvelle n’est pas bonne dans le sens des intérêts et des opinions de la France qu’elle représente très imparfaitement ; nos lois électorales l’ont ainsi voulu. Nous avons nos bourgs pourris, et peut-être faut-il bien dire, nos classes pourries. Notre législation électorale, au lieu d’appeler les intelligences, au lieu de multiplier les catégories, de chercher dans une multitude de combinaisons différentes les élémens d’une représentation réelle, appropriée à nos destinées et à nos besoins, s’est adressée aux terreurs d’ordre public d’une seule classe. Il ne peut arriver rien de généreux et de décisif d’une telle législature ; c’est toujours la peur qui la fait agir ; en 1828, elle n’envoya une chambre d’opposition que par la terreur des jésuites, crainte aussi exagérée que la terreur des émeutes, que la soif d’ordre public à tout prix. Avec des élémens plus variés, le sentiment dominant des électeurs propriétaires et industriels serait neutralisé par la capacité, l’intelligence, l’instinct populaire, le courage des masses, utile secours pour agrandir et encourager les classes intermédiaires !

Telle qu’elle est, la chambre pourtant sera plus unie, plus dramatique, plus fortement nuancée que le parlement qui vient de finir. Lorsque les élections ont été bien connues, tous les partis ont naturellement cherché au fond des urnes électorales leurs craintes et leurs espérances. Ils ont là leur intérêt légitime ; il y a eu des joies folles, des applaudissemens de