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brider, bâtonner ; ce peuple mérite d’être la risée des autres nations, et il n’est point de moquerie si méprisante, de sarcasmes si aigus, que le dernier des esclaves et le plus lâche n’ait le droit de lui adresser.

Enfin, dégoûtés de ce qu’ils voient, et l’on serait dégoûté à moins, le Docteur et Polichinelle concluent qu’ils n’ont rien de mieux à faire que de retourner au plus vite chez eux. Ils rencontrent en route une vieille femme ; le Docteur lui demande qui elle est. « Je suis, répond-elle, l’Expérience, et j’ai toujours voulu du bien aux rois absolus et légitimes, parce que j’ai vu qu’on vit mal sans eux, et que ces ordures de chartes constitutionnelles ne servent qu’à mettre le feu à la maison et à la salir. Et précisément parce que je leur veux du bien, je leur écris quatre mots ; car, entre nous, ils sont un peu hors de leur chemin, et s’ils n’écoutent point les conseils de l’Expérience, ils s’en iront faire compagnie à Charles x. Portez-leur donc cette lettre.

Le Docteur. — Devons-nous la porter à tous les rois de l’Europe ?

L’Expérience. — Il se peut que deux ou trois n’en aient pas besoin, mais remettez-la cependant à tous, elle ne fera de mal à aucun.

Le Docteur. — Écoutez, bonne vieille, nous vous rendrons volontiers ce service, mais il ne faut pas en user trop librement avec les rois. Vous êtes une femme résolue : qui sait ce que vous avez écrit ? Vous ne voudriez pas que vos messagers eussent à pâtir de leur message.

L’Expérience. — N’appréhendez aucune indiscrétion ; mais, pour mieux vous rassurer, lisez ma lettre, j’y consens.

Le Docteur. — Lisons donc, et puis nous ferons ce que vous désirez de nous.

L’Expérience aux rois de la terre.

« Princes, que faites-vous ? Le monde se précipite, le feu brûle sous vos trônes, la gangrène corrompt toute la masse sociale, et vous vous battez les flancs, et vous vous contentez d’appliquer quelques insignifians topiques sur les profondes plaies de la so-