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DE L’ABSOLUTISME ET DE LA LIBERTÉ.

La famille se compose du père qui en est le principe générateur, de la femme qui est le moyen de la génération, et de l’enfant qui en est le terme. Ces trois ensembles constituent l’homme organique complet, l’homme reproduit, perpétué, l’homme qui ne meurt point.

D’où il suit que le mariage, sans lequel nulle famille, est en ce sens la base première de la société.

La propriété en est la seconde base, car sans elle nulle vie possible. Or, la vie ne s’arrêtant point dans sa transmission, la propriété non plus ne s’arrête point dans sa transmission : elle est héréditaire comme elle, parce qu’elle est inséparable d’elle. Et puisque l’homme ne peut vivre sans une propriété quelconque, permanente ou transitoire, il ne peut non plus être libre, indépendant de sa personne, si sa propriété est dépendante, s’il n’est pas souverainement maître de son champ, de sa maison, de son industrie, de son travail.

La liberté de la propriété et la propriété même peuvent être attaquées de trois façons : la première, en attribuant soit à l’état, soit au chef de l’état, un droit primitif de haut domaine, qui ne serait au fond qu’un pouvoir indirect et arbitraire de vie et de mort sur tous ses membres ; la seconde, en attribuant soit à l’état, soit à son chef, le droit de prélever à titre d’impôt une partie quelconque des revenus de la propriété, sans le consentement des propriétaires ; car ce droit, auquel il serait impossible d’assigner aucune limite déterminée, impliquerait celui de s’emparer de la totalité des revenus, ou la confiscation pure et simple ; la troisième est d’attribuer, à quelque degré que ce soit, à l’état ou à son chef, le droit d’administrer les propriétés de ses membres, car le droit pour chacun d’administrer sa propriété est inhérent au droit de propriété, qui sans cela devient purement fictif.

On doit maintenant comprendre comment le mouvement que partout on remarque chez les nations chrétiennes, n’est que l’action sociale du christianisme même, qui tend incessamment à réaliser, dans l’ordre politique et civil, les libertés que contient en germe la maxime fondamentale de l’égalité des hommes devant Dieu, et par conséquent à affranchir pleinement l’homme spirituel de tout contrôle du pouvoir humain, et la propriété de toute dépendance arbitraire du même pouvoir. Or, ce but ne peut être