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droits spirituels de la conscience et de la pensée, lesquels ne relèvent que de Dieu, considéré soit comme auteur de la loi morale qui unit entre eux tous les êtres intelligens, et à laquelle tous sont obligés d’obéir librement, soit comme source primitive de toute vertu, de toute raison ; 2o  les droits secondaires de l’ordre, pour ainsi parler, matériel, relatifs au corps ou à l’organisme, et qui se réduisent, dans leur essence, au droit de conservation de la vie, c’est-à-dire de l’organisme même et des choses extérieures nécessaires à la conservation de l’organisme. Ces choses extérieures constituent ce qu’on appelle propriété.

Il suit de là que l’objet direct de la société véritable, étant la garantie du droit, est par là même de garantir à tous et à chacun de ses membres, dans l’ordre extérieur, la liberté de conscience et de pensée, et, secondairement, la liberté de vivre et d’agir, ou la liberté de la personne et des propriétés.

La liberté de conscience et de pensée, simultanément unie à la reconnaissance d’une loi spirituelle morale, qui seule rend l’homme sociable, précède l’association libre ou l’institution de la cité, et en est l’indispensable condition. Cette loi dès-lors, non plus que la liberté qui y correspond, la liberté civile de conscience et de pensée, ne peut en aucune manière dépendre du pacte social, ni devenir l’objet des délibérations préalables, explicites ou implicites, qu’il suppose ; et par conséquent la loi politique et civile, ne pouvant statuer sur ce droit primitif, qu’elle ne saurait ni créer ni détruire, et qu’elle défend seulement contre les attaques qui tendraient de fait à l’altérer, le respecte comme au-dessus d’elle, interdit et punit comme anti-sociaux certains actes qui y sont contraires, mais ne l’établit point par ses prescriptions.

La liberté personnelle, ou le droit de vivre et d’agir librement, implique l’absence de toute volonté, de tout pouvoir qui imposerait des bornes arbitraires à cette liberté même, c’est-à-dire implique la coopération de chaque membre de la société à la loi qui régit la société.

L’élément naturel de la société relative à l’organisme humain ou de la cité n’est pas l’individu, mais la famille, parce que l’élément de la société doit se perpétuer comme la société ; parce que l’individu meurt et que la famille est immortelle.