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nobles étaient obligés de s’incorporer dans les arts pour acquérir l’habileté politique. Le siècle suivant vit s’élever à Florence une nouvelle aristocratie timocratique dont l’insolence précipita le peuple dans le désir d’une dictature, et les Médicis furent poussés au pouvoir absolu par le flot de la multitude. L’esprit humain profita d’une puissance noblement exercée et poursuivit ses progrès sur les ruines du moyen âge. Quel est ce tribun qui s’emporte, et qui, contemporain de Machiavel, se croit encore au temps de Dante ? C’est un moine, car les moines sont d’excellens tribuns, c’est un religieux de l’ordre de saint Dominique qui prêche dans les églises de Florence la crainte de Dieu, l’amour de la liberté et l’égalité des droits : Alexandre vi, digne pontife, s’irrite de ces cris de réforme ; les Florentins défendent leur Savonarola. Mais un moine franciscain fut piqué de l’éclat jeté par le prédicateur sur l’ordre de saint Dominique, et pour convaincre le dominicain de la fausseté de ses doctrines, il lui proposa d’entrer tous les deux dans un bûcher ardent. Cette proposition plut singulièrement au peuple de Florence curieux de voir comment Savonarola se tirerait de cette affaire. Un disciple fervent releva le défi pour son maître et promit d’entrer dans un bûcher, à un jour convenu ; il s’y présenta en effet, l’eucharistie à la main, opposant Dieu à la mort. Les franciscains crièrent au sacrilège ; on disputa tout le jour ; vers le soir, par une faveur singulière du ciel, il tomba une épouvantable averse qui dispersa tout le monde, et renvoya chez eux les Florentins mécontens et trempés. Cependant Savonarola abandonné du peuple fut brûlé quelque temps après.

Le temps a fait un pas, le moyen âge n’existe plus que dans la mémoire des hommes, tout s’agrandit, les idées et les empires ; et la liberté, venant à la suite de la philosophie, passe les mers pour s’étendre sur de vastes territoires. Le gouvernement représentatif n’est plus uniquement anglais, il se fait américain, il ne se contente plus de modifier une monarchie ; il veut constituer une république. Il n’a trouvé à détruire ni royauté, ni noblesse féodale, ni vieille église ; il ne rencontre d’autre difficulté que l’immensité du théâtre sur lequel il doit se déployer ; et il fonde laborieusement une unité idéale au milieu de vingt-quatre états qu’il déclare moralement unis. On a beaucoup admiré l’unité de la théocratie ita-