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DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

d’Héliopolis, de Thèbes et de Memphis siégeaient ; ils choisissaient leur président qui portait au cou une chaîne d’or à laquelle était suspendue une image de la Vérité. Les livres de la loi étaient ouverts. Le demandeur ou l’accusateur présentait une plainte écrite ; le défendeur répondait par écrit qu’il n’avait pas fait ce dont on l’accusait, ou qu’il avait bien fait, ou bien encore qu’il ne méritait pas la sévérité de la peine demandée contre lui : l’accusateur répliquait ; l’accusé se défendait encore : les juges délibéraient ; enfin, le chef de la justice touchait avec la figure de la Vérité le demandeur ou le défendeur qui avait gagné sa cause. Point de discours et d’orateurs : l’écriture vulgaire suffit aux plaideurs ; l’écriture sacrée est réservée aux lois, et la sentence est rendue symboliquement, sans phrases et sans motifs. Comment la discuter ? comment ne pas la révérer à l’égal de la Vérité dont l’image était présente ? La Justice suivait l’homme après sa mort. Quarante juges s’assemblent et vont s’asseoir en demi-cercle à l’extrémité d’un lac. Sur ce lac est une barque conduite par un nocher qui s’appelle Caron et qui est destinée à porter le corps de l’Égyptien que la vie terrestre a quitté. Mais avant que la barque reçoive le cercueil, il est loisible à tous d’accuser le mort. L’accusation est discutée ; si victorieuse, les juges refusent la sépulture ; si confondue, la joie est grande parmi les parens qui dépouillent leurs vêtemens de deuil, et entament avec transport l’oraison funèbre du glorieux défunt. Les rois n’échappent pas à cette justice : ils sont soumis après leur mort à l’accusation commune, et il est arrivé parfois que sur le cri de l’indignation populaire, de royales dépouilles n’ont pas été descendues dans les tombeaux qui les attendaient. C’est l’esprit de la théocratie d’étendre sur toutes les têtes l’égalité de la loi. Ainsi les Égyptiens ne connaissaient pas les différences aristocratiques du sang, ou plutôt ils se disaient tous nobles ; ils ne se trompaient pas ; tout homme est noble et doit faire valoir ses titres de noblesse. L’éducation se distribuait aux prêtres, aux guerriers, aux laboureurs, aux pasteurs et aux artisans ; les prêtres étaient imbus de la grande instruction, ils apprenaient la théologie, la médecine, la morale, la géométrie, l’histoire, l’astronomie. Héliopolis était, au dire d’Hérodote, la métropole de la science égyptienne. Les guerriers recevaient sur les mêmes choses des notions moins profondes ;