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était excellente et forte, elle me protégea ; six nations, trois dans l’antiquité, trois chez les modernes, furent interrogées ; et l’histoire ne tourna pas en confusion de nos idées et de nos espérances.

Cependant, après cette évolution impétueuse et directe qui dura deux ans, les principes constitutifs du système naissant avaient acquis plus d’étendue et de fermeté. Sachant mieux les faits, j’étais plus obstiné dans la philosophie, et les enchantemens dramatiques de l’histoire avaient redoublé pour moi la rigueur de la logique. Alors je pus aborder de plus près la comparaison des législations, et j’exposai cette année les principes historiques du droit public européen, en les comparant aux principes des sociétés antiques. L’ordre chronologique avait disparu, et l’ordre systématique lui succédait ; les idées, les institutions et les hommes étaient pris du sein de leur siècle et de leur pays pour être confrontés ; la comparaison ne s’opérait plus par la succession ; elle s’effectuait par la juxta-position.

Aujourd’hui nous voyons s’approcher de plus en plus pour nous l’opportunité d’écrire l’histoire : l’unité primitivement décrétée n’a pas défailli dans l’examen, et c’est toujours l’histoire du pouvoir législatif que nous nous proposons de tracer. Les principes et les destinées de l’humanité peuvent se développer à l’ombre de cette idée assez puissante dans sa majesté pour les contenir en les dominant. Mais, je l’avoue, je ne me précipite pas sur la plume de l’histoire ; j’attends encore, j’attends que la maturité de l’œuvre me soit intérieurement révélée. Écrire l’histoire est un ministère humain et public pour lequel on ne saurait rassembler trop de forces et de ressources ; pour raconter le passé du monde, il faut sentir ce monde dans tous ses sentimens et le comprendre dans toutes ses idées ; la tâche est rude : de plus il faut savoir la vie, connaître les hommes, les pénétrer, passer de la solitude au milieu de son siècle, le voir, l’accepter, le servir, puisqu’on ne peut en changer, se donner tous les spectacles, s’ouvrir à toutes les impressions, marcher dans la vie tantôt calme et seul, tantôt ardent et poudreux dans les flots du peuple, soldat de l’humanité, et l’aimant beaucoup, pour mieux l’écrire et la peindre.

En attendant, j’estime qu’il n’est pas inutile de consigner ici quelques-uns des principes dirigeans qui nous animent et nous