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DEUX MOTS À LA REVUE BRITANNIQUE


Nous nous plaignions, dans nos dernières livraisons, d’emprunts, d’autres diraient larcins, faits à la Revue des deux Mondes par divers journaux, entr’autres par la Revue Britannique, qui, récemment, avait donné comme traduction de l’anglais un conte français original, publié par nous sous ce titre : les Deux Capidji. À ce propos nous exhortions ces divers journaux à se tenir un peu mieux au courant de la littérature indigène, afin de ne plus s’exposer à donner pour anglais ce qui est français.

Pour n’avoir pas tenu compte de nos exhortations amicales, M. le directeur de la Revue Britannique vient de tomber dans la même faute ; son dernier no (juin 1834) contient un article de philosophie historique évidemment emprunté à notre Revue par le Foreign Quarterly Review, d’où l’a traduit la Revue Britannique. Il a paru pour la première fois dans notre livraison du 15 février dernier, sous ce titre : Dante était-il hérétique ? L’auteur est M. E. J. Delécluze. Mais il faut rendre à la Revue Britannique cette justice qu’elle a dissimulé l’identité en changeant le titre original, et en tronquant et morcellant sans pitié le travail de notre collaborateur. Le nouveau titre substitué à l’ancien est celui-ci : de l’Esprit d’opposition au moyen âge, et spécialement en Italie ; mais le nom seul est changé, la chose est parfaitement la même.

Aussi bien ne sommes-nous pas les seuls qui servions à défrayer l’anglomane Revue. Nous savons que la Revue Encyclopédique a servi comme nous d’arsenal à M. le directeur de la Revue Britannique. On lit dans son no de novembre 1833 un morceau de voyage intitulé : Excursion dans les Abruzzes et dans le comté de Molise. Or, ce morceau avait paru l’année d’avant (juillet 1832) dans la Revue Encyclopédique sous le titre des Samnites anciens et modernes. L’auteur est M. Charles Didier. Son travail fut traduit à Londres par le Monthly Magazine, d’où la Revue Britannique l’avait retraduit en français avec de grossières erreurs et une confusion complète de lieux et de noms.

Ce n’était du reste pas la première fois que M. Didier était soumis à cette rude épreuve. Il publia en 1831, dans la Revue Encyclopédique (janvier et février), un Coup d’œil sur la statistique morale et politique de l’Italie, d’où il arrivait alors ; ce travail eut le même destin que ceux qui suivirent, il fut traduit par le journal anglais le Metropolitan, et reproduit l’année suivante par la Revue Britannique (mars 1832), sous ce titre : l’Italie en 1832 ; retraduit gauchement de l’anglais en français, le travail original n’est pas sorti, comme il est aisé de le deviner, de cette double torture sans de cruelles mutilations.

Mais ce ne sont pas seulement les Revues françaises que la Revue Britannique exploite et traduit de l’anglais, ce sont les premiers écrivains de la langue ; elle a poussé l’étourderie ou l’ignorance jusque là qu’elle a donné, il y a environ deux ans, un roman de Diderot pour une nouvelle anglaise ; c’est prendre le Pirée pour un homme.

Le roman original se trouve dans les opuscules que Diderot appelait les petits papiers : c’est l’Histoire du médecin Gardeil et de Mlle  La Chaux. Les noms avaient été changés, et quelques faits secondaires altérés ; mais la fable est identique.

Certes voilà plus de faits qu’il n’en faut, et en cherchant nous en trouverions sans doute beaucoup d’autres ; en voilà bien assez, disons-nous, pour faire con-