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rowig. Invités à se reposer dans une de ces fermes qu’habitait la population franke, ils y entrèrent sans défiance ; mais aussitôt les portes furent fermées sur eux, des gardes occupèrent toutes les issues, et des postes armés s’établirent autour de la maison comme autour d’une ville assiégée. En même temps des courriers montèrent à cheval et firent diligence vers Soissons, pour annoncer au roi Hilperik que, ses ennemis ayant donné dans le piège, il pouvait venir et disposer d’eux[1].

Au bruit des portes barricadées et à la vue des dispositions militaires qui rendaient la sortie impossible, Merowig, saisi par le sentiment du danger, demeura pensif et abattu. Cette imagination d’homme du Nord, triste et rêveuse, qui formait le trait le plus saillant de son caractère, s’exalta peu à peu jusqu’au délire ; il fut obsédé par des pensées de mort violente et d’horribles images de tortures et de supplices. Une profonde terreur du sort qui lui était réservé s’empara de lui avec de telles angoisses, que, désespérant de tout, il ne vit de recours que dans le suicide[2]. Mais le courage lui manquait pour se frapper lui-même ; il eut besoin d’un autre bras que le sien, et, s’adressant à son frère d’armes : « Gaïlen, dit-il, jusqu’à présent nous n’avons eu qu’une âme et qu’une pensée ; ne me laisse pas, je t’en conjure, à la merci de mes ennemis : prends une épée et tue-moi. » Gaïlen, avec l’obéissance d’un vassal, tira le couteau qu’il portait à la ceinture, et frappa le jeune prince d’un coup mortel. Le roi Hilperik, qui arrivait en grande hâte pour s’emparer de son fils, ne trouva de lui qu’un cadavre[3].

Gaïlen fut pris avec les autres compagnons de Merowig ; il avait tenu à la vie par un reste d’espérance ou par une faiblesse inex-

  1. Hi præparatos detegentes delos, in villam eum quamdam concludunt, et circumsæptum cum armatis, nuntios patri dirigunt. Quod ille audiens, illuc properare destinat. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 246.
  2. Sed hic cùm in hospitiolo quodam retineretur, timens ne ad vindictam inimicorum multas lueret pœnas… Greg. Turon. ibid.
  3. Tocato ad se Gaileno familiari suo, ait : « Una nobis usque nunc et anima et consilium fuit : rogo ne patiatis me manibus inimicorum tradi : sed accepto gladio inruas in me. » Quod ille nec dubitans, eum cultro confodit. Adveniente autem rege, mortuus est repertus. Ibid.