Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
REVUE DES DEUX MONDES.

L’expression ambiguë de ces reproches prouvait de la part du roi Gonthramn autant de répugnance à prendre parti contre le fils que de crainte de se brouiller avec le père : il fit tomber sur le comte Erpoald le poids de sa mauvaise humeur ; et, non content de le destituer de son emploi, il le condamna de plus à une amende de sept cents pièces d’or[1]. Il paraît qu’en dépit des messages et des instances de Hilperik, Gonthramn ne prit aucune mesure pour inquiéter le réfugié dans son nouvel asile, et que bien loin de là, sans se compromettre et en sauvant les apparences, il agit de façon que Merowig trouvât promptement l’occasion de s’évader et de continuer son voyage. En effet, après deux mois de séjour dans la basilique d’Auxerre, le jeune prince partit accompagné de son fidèle Gaïlen ; et cette fois les routes lui furent ouvertes. Il mit enfin le pied sur la terre d’Austrasie, où il espérait trouver le repos, des amis, les joies du mariage et tous les honneurs attachés au titre d’époux d’une reine, mais où l’attendaient seulement de nouvelles traverses et des malheurs qui ne devaient finir qu’avec sa vie[2].

Le royaume d’Austrasie, gouverné au nom d’un enfant par un conseil de seigneurs et d’évêques, était alors le théâtre de troubles continuels et de dissensions violentes. L’absence de tout frein légal et le déchaînement des volontés individuelles s’y faisaient sentir plus fortement que dans aucune autre portion de la Gaule. Il n’y avait à cet égard aucune distinction de race ni d’état ; Barbares ou Romains, prélats ou chefs militaires, tous les hommes qui se croyaient forts par le pouvoir ou la richesse, luttaient à qui mieux mieux de turbulence et d’ambition. Divisés en factions rivales, ils ne s’accordaient qu’en une seule chose, leur haine acharnée contre Brunehilde, à qui ils voulaient enlever toute influence sur le gouvernement de son fils. Cette aristocratie redoutable avait pour principaux chefs l’évêque de Reims Ægidius, notoirement vendu au roi de Neustrie, et le duc Raukhing, le plus riche des Austrasiens,

  1. Guntchramnus rex in irâ commotus Erponem septingentis aureis damnat, et ab honore removet. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 241.
  2. Merovechus propè duos menses ad ante dictam basilicam residens, fugam iniit, et ad Brunichildem reginam usque pervenit. Greg. Turon. Hist. ibid.