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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

tre en sûreté hors du royaume de Hilperik. Après ce coup de main audacieux, Gonthramn prit le chemin de Poitiers, ville qui était redevenue austrasienne depuis la victoire de Mummolus. Il y arriva sans aucun accident, installa ses deux compagnes de voyage dans la basilique de Saint-Hilaire, et les quitta pour aller voir ce qui se passait en Austrasie[1]. De crainte d’une seconde mésaventure, il fit cette fois un long détour, et se dirigea vers le nord par le Limousin, l’Auvergne et la route de Lyon à Metz.

Avant que le comte Erpoald eut pu avertir le roi Gonthramn et recevoir ses ordres relativement au prisonnier, Merowig parvint à s’échapper du lieu où il était retenu. Il se réfugia dans la principale église de la ville d’Auxerre, dédiée à saint Germain, l’apôtre des Bretons, et s’y établit en sûreté comme à Tours, sous la protection du droit d’asile[2]. La nouvelle de sa fuite arriva au roi Gonthramn presqu’aussitôt que celle de son arrestation. C’était plus qu’il n’en fallait pour mécontenter au dernier point ce roi timide et pacifique, dont le soin principal était de se tenir en dehors de toutes les querelles qui pouvaient naître autour de lui. Il craignait que le séjour de Merowig dans son royaume ne lui suscitât une foule d’embarras, et aurait voulu de deux choses l’une, ou qu’on laissât passer tranquillement le fils de Hilperik ou qu’on le retînt sous bonne garde. Accusant à la fois Erpoald d’excès de zèle et de maladresse, il le manda sur-le-champ auprès de lui ; et lorsque le comte voulut répondre et justifier sa conduite, le roi l’interrompit en disant : « Tu as arrêté celui que mon frère appelle son ennemi ; mais si ton intention était sérieuse, il fallait m’amener le prisonnier sans perdre de temps, sinon tu ne devais pas toucher un homme que tu ne voulais pas garder[3]. »

  1. Guntchramnus Boso Turonis cum paucis armatis veniens, filias suas, quas in basilicâ sanctâ reliquerat, vi abstulit, et eas usque Pictavis civitatem, quæ erat Childeberti regis, perduxit. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 249.
  2. Cùmque ab eo detineretur, casu nescio quo dilapsus, basilicam sancti Germani ingressus est. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 241.
  3. « Retinuisti, ut ait frater meus, inimicum suum : quòd si hoc facere cogitabas, ad me eum debuisti priùs adducere : sin autem aliud, nec tangere debueras, quem tenere dissimulabas. » Greg. Turon. ibid.