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toute liberté, tantôt par des hommes et par des femmes du dehors, dont la présence occasionnait souvent de l’embarras et du scandale. À toute heure, les cours du parvis et le péristyle de la basilique étaient remplis d’une foule affairée ou de promeneurs oisifs et curieux. À l’heure des repas, un bruit d’orgie, couvrant parfois le chant des offices, allait troubler les prêtres dans leurs stalles et les religieux au fond de leurs cellules. Quelquefois aussi les convives, pris de vin, se querellaient jusqu’à en venir aux coups, et des rixes sanglantes avaient lieu aux portes et même dans l’intérieur de l’église[1].

Si de pareils désordres ne venaient point à la suite des festins où Merowig cherchait à s’étourdir avec ses compagnons de refuge, la joie bruyante n’y manquait pas ; des éclats de rire et de grossiers bons mots retentissaient dans la salle et accompagnaient surtout les noms de Hilperik et de Fredegonde. Merowig ne les ménageait pas plus l’un que l’autre. Il racontait les crimes de son père et les débauches de sa belle-mère, traitait Fredegonde d’infâme prostituée, et Hilperik de mari imbécille, persécuteur de ses propres enfans. « Quoiqu’il y eût en cela beaucoup de vrai, dit l’historien contemporain, je pense qu’il n’était pas agréable à Dieu que de telles choses fussent divulguées par un fils[2]. » Cet historien, Grégoire de Tours lui-même, invité un jour à la table de Merowig, entendit de ses oreilles les scandaleux propos du jeune homme. À la fin du repas, Merowig, resté seul avec son pieux convive, se sentit en veine de dévotion et pria l’évêque de lui faire quelque lecture pour l’instruction de son âme. Grégoire prit le livre de Salomon, et l’ayant ouvert au hasard, il tomba sur le verset suivant : « L’œil qu’un fils tourne contre son père lui sera arraché de la tête

  1. Nam sæpè cædes infrà ipsum atrium, quod ad pedes beati extat, exegit (Eberulfus), exercens assiduè ebrietates ac vanitates… Introeuntes puellæ, cum reliquis pueris ejus, suspiciebant picturas parietum, rimabanturque ornamenta beati sepulchri : quod valdè facinorosum religiosis erat… hæc ille cùm post cœnam vino madidus advertisset… Furibundus ingreditur… Greg. Turon. hist., lib. vii, pag. 300.
  2. Merovechus verò de patre atque novercâ multa crimina loquebatur : quæ cùm ex parte vera essent, credo acceptum non fuisse Deo, ut hæc per filium vulgarentur. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 240.