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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

tume tout militaire de sa nation, la chaussure de cuir préparé avec le poil, la tunique à manches courtes et le juste-au-corps doublé de fourrures, sur lequel passait le baudrier d’où pendait l’épée[1]. C’est dans cet équipage que le messager de Gonthramn-Bose le rencontra, incertain de la direction qu’il devait suivre pour se mettre tout-à-fait en sûreté. La proposition de Rikulf fut accueillie sans beaucoup d’examen ; et le fils de Hilperik, escorté cette fois par ses amis, prit aussitôt la route de Tours. Un manteau de voyage, dont le capuchon se rabattait sur sa tête, lui servit de préservatif contre l’étonnement et les risées qu’aurait excités la vue de cette tête de clerc sur les épaules d’un soldat. Arrivé sous les murs de Tours, il mit pied à terre ; et, la tête toujours enveloppée dans le capuchon de son manteau, il marcha vers la basilique de Saint-Martin, dont, en ce moment, toutes les portes étaient ouvertes[2].

C’était un jour de fête solennelle, et l’évêque de Tours qui officiait pontificalement venait de donner aux fidèles la communion sous les deux espèces. Les pains qui s’étaient trouvés de reste après la consécration de l’eucharistie couvraient l’autel, rangés sur des nappes à côté du grand calice à deux anses qui contenait le vin. L’usage voulait qu’à la fin de la messe ces pains, non consacrés et simplement bénis par le prêtre, fussent coupés en morceaux et distribués entre les assistans ; on appelait cela donner les eulogies. L’assemblée entière, à l’exception des personnes excommuniées,

  1. Quorum pedes primi perone setoso talos ad usque vinciebantur ; genua, crura, suræque sine tegmine. Præter hoc vestis alta, stricta, versicolor, vix appropinquans poplitibus exertis : manicæ sola brachiorum principia velantes… Penduli ex humero gladii balteis supercurrentibus strinxerant clausa bullatis latera rhenonibus. Ex Apollinari Sidonio, apud script, rerum francic., tom. i, pag. 793.
  2. Opertoque capite, indutusque veste sæculari, beati Martini templum expetit. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 239 — Ces mots : opertoque capite, se trouvent éclaircis dans le sens que je leur attribue par le passage suivant du même auteur : et tecto capite ne agnoscaris silvam pete… et ille accepto consilio, dum obtecto capite fugere niteretur, extracto quidam gladio caput ejus cum cucullo decidit. Lib. vii, pag. 310. — L’usage des manteaux à capuchon avait passé des Gaules à Rome. Voy. les satires de Juvenal passìm, et le père Montfaucon, antiquité expliquée.