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de Hildebert ii alla trouver à Meaux ses deux filles ; puis évitant l’approche de Soissons, elle se dirigea vers l’Austrasie où elle arriva sans obstacle. Sa présence, vivement désirée dans ce pays, ne tarda pas à y causer de grands troubles, en excitant la jalousie des chefs puissans et ambitieux qui voulaient rester seuls chargés de la tutelle du jeune roi.

Le départ de Brunehilde ne mit fin ni aux défiances du roi Hilperik ni à ses mesures de rigueur contre son fils aîné. Merowig, privé de ses armes et de son baudrier militaire, ce qui, selon les mœurs des Germains, était une sorte de dégradation civique, continua d’être tenu aux arrêts sous une garde sûre. Dès que le roi se fut remis de l’agitation que tant d’événemens coup sur coup lui avaient causée, il revint à son éternel projet de conquête sur les cinq villes d’Aquitaine, dont une seule, celle de Tours, était en sa possession. N’ayant plus à choisir entre ses deux fils, il remit à Chlodowig, en dépit de son ancienne mésaventure, le commandement de cette nouvelle expédition. Le jeune prince eut ordre de se diriger sur Poitiers, et de rassembler autant d’hommes qu’il le pourrait dans la Touraine et dans l’Anjou[1]. Ayant levé une petite armée, il s’empara de Poitiers sans résistance, et y fit sa jonction avec des forces beaucoup plus considérables que lui amenait du Midi un grand seigneur d’origine gauloise, appelé Desiderius.

C’était un homme de haute naissance, possesseur de grands biens aux environs d’Alby, turbulent et ambitieux, sans aucun scrupule, comme on l’était alors, mais ayant, de plus que ses concurrens d’origine barbare, quelque largeur dans les vues et d’assez grands talens militaires. Gouverneur d’un district voisin de la frontière des Goths, il s’était rendu redoutable à cette nation ennemie des Gallo-Franks, et avait acquis par ses actions d’éclat beaucoup de renom et d’influence parmi les Gaulois méridionaux[2]. Le grand

  1. Chilpericus rex Chlodovechum filium suum Turonis transmisit. Qui congregato exercitu, in terminum Turonicum et Andegavum… Greg. Turon., Hist., lib. v. pag. 239.
  2. Greg. Turon., Hist., lib. viii, pag. 332. — Desiderius Francorum dux, Gothis satis infestus. Ex chronico Joannis Biclariensis ; apud Script rerum francic., tom. ii, pag. 21.