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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

prohibées par les lois de l’église ; et bien que le scrupule religieux eût peu de prise sur la conscience des deux amans, ils risquaient de se voir contrariés dans leur désir, faute de trouver un prêtre qui voulût exercer son ministère en violation des règles canoniques. L’église métropolitaine de Rouen avait alors pour évêque Prætextatus, Gaulois d’origine, qui, par une singulière rencontre, était le parrain de Merowig, et qui, en vertu de cette paternité spirituelle, conservait pour lui, depuis le jour de son baptême, une véritable tendresse de père[1]. Cet homme, d’un cœur facile et d’un esprit faible, ne put résister aux vives instances et peut-être aux emportemens fougueux du jeune prince qu’il appelait son fils, et, malgré les devoirs de son ordre, il se laissa entraîner à bénir le mariage du neveu avec la veuve de l’oncle. Dans ce déclin de la Gaule vers la barbarie, l’impatience et l’oubli de toute règle étaient la maladie du siècle ; et pour tous les esprits, même les plus éclairés, la fantaisie individuelle ou l’inspiration du moment tendait à remplacer l’ordre et la loi. Les indigènes suivaient trop bien en cela l’exemple des conquérans germains, et la mollesse des uns concourait au même but que la brutalité des autres. Obéissant en aveugle à un mouvement de sympathie, Prætextatus célébra secrètement la messe du mariage pour Merowig et Brunehilde, et tenant, selon les rites de l’époque, la main de chacun des deux époux, il prononça les formules sacramentelles de la bénédiction conjugale, acte de condescendance qui devait un jour lui coûter la vie, et dont les suites ne furent pas moins fatales au jeune imprudent qui le lui avait arraché[2].

Hilperik se trouvait à Paris, plein d’espérance pour le succès de l’expédition d’Aquitaine, lorsqu’il reçut l’étrange nouvelle de la fuite et du mariage de son fils. Au violent accès de colère qu’il éprouva se joignaient des soupçons de trahison et la crainte d’un complot ourdi contre sa personne et son pouvoir. Afin de le dé-

  1. Proprium mihi esse videbatur, quòd filio meo Merovecho erat, quem de lavacro regenerationis excepi. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 245.
  2. « Quid tibi visum est, ô episcope, ut inimicum meum Merovechum, qui filius esse debuerat, cum amitâ suâ, id est patrui sui uxore, conjungeres ? An ignarus eras, quæ pro hâc causâ canonum statuta sanxissent ? » Ibid., pag. 243.