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parer d’autres plus grands encore. La conduite demi-hardie, demi-habile du parti légitimiste est bien faite pour faire naître quelques réflexions parmi les soutiens du pouvoir. Ce premier pas fait dans l’esprit de l’époque et dans la discipline prouve déjà un grand progrès dans ses idées. C’est grâce à son intervention que quelques-unes des parties les plus gangrenées du cancer ministériel ont été retranchées de la chambre. M. Mahul, M. Madier-Montjau, et quelques autres énergumènes sans talent ont été écartés par le concours du parti royaliste, qui a presque partout voté pour des capacités, tandis que le ministère, qui est composé d’hommes de talent et d’esprit, on ne peut le nier, portait dans toutes les localités les hommes les plus nuls et les moins propres à remplir leur mandat. De tous les reviremens, de tous les changemens de rôles que nous avons vus depuis plusieurs années, celui-ci n’est ni le moins triste, ni le moins déplorable. Des hommes qui, pendant quinze ans, poussèrent en avant la restauration avec une vivacité inouïe, qui la démolirent en la montrant au pays comme un gouvernement ennemi des lumières et des progrès, et que toute amélioration sociale faisait trembler, n’ont rien trouvé de mieux, une fois parvenus eux-mêmes au pouvoir, que d’arrêter tout progrès, et de faire aussi la guerre à tout ce qui porte la lumière à son front. La restauration voulait rétrograder, ceux-ci veulent rester stationnaires ; tâche encore plus difficile que l’autre, ou du moins tout aussi impossible à accomplir, surtout aujourd’hui que les débris de la restauration eux-mêmes marchent en avant, et, quels que soient leurs desseins d’ailleurs, se jettent en éclaireurs sur les routes. Ce fait est important. Il prouve que rien ne peut plus s’accomplir aujourd’hui que par la popularité, et que le seul, l’unique moyen de créer un pouvoir, ou d’en détruire un autre, c’est de servir la cause du progrès social. Mais le parti légitimiste ne s’en tiendra pas, à ce qu’il paraît, à l’essai qu’il vient de faire. Il lui a fallu trois années pour lever la grande difficulté du serment ; on assure qu’il se prépare déjà à jouer un grand rôle dans les élections prochaines. On sait que ce parti se compose surtout de grands propriétaires. Des délégations seront faites par eux à tous leurs parens, à tous ceux qui les approchent, afin de les faire figurer dans les colléges. Telle propriété de la Provence, de la Franche-Comté ou de la Normandie qui a donné cette année un électeur, en produira vingt dans les élections prochaines. Cette tactique est adroite et profonde, et le ministère le plus roué, fût-il présidé par M. Thiers, aura beaucoup de peine à la contreminer.

En attendant, le petit noyau légitimiste qui va figurer dans la chambre, offrira trois nuances bien distinctes. La première est celle que représentent M. de Balzac, l’ancien secrétaire-général de M. de Martignac,