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REVUE. — CHRONIQUE.
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d’hui qu’une lâcheté. » Mais depuis ce temps, le gouvernement de juillet s’est tellement illustré à Lyon et à Paris, au cloître Saint-Méry, au pont d’Arcole et dans la rue Transnonain, qu’il se prétend arrivé à l’époque que lui montrait en perspective M. Molé. Il est donc fortement question d’abandonner Alger. Toutefois, un gouvernement aussi habile que le nôtre ne pouvait avouer l’abandon d’Alger, même en le commettant. Il a donc fallu trouver un biais, une rouerie, et voici ce qui a été proposé au conseil, disent des personnes bien informées. Alger deviendrait une colonie européenne, c’est-à-dire que le pavillon anglais et celui des grandes puissances flotteraient sur la Cashauba, près du nôtre. Les frais de l’occupation seraient supportés par les puissances alliées ou associées, c’est-à-dire que les troupes d’occupation seraient anglaises, allemandes et françaises. Le gouverneur de la colonie serait élu, à la majorité, par les puissances, et l’on pense bien que ce n’est pas la France qui l’emporterait. Enfin, nous ouvririons le port d’Alger à toutes les nations, c’est-à-dire à l’Angleterre, qui navigue le plus sur cette route, et nous nous acheminerions tout doucement à une transaction dans laquelle l’Angleterre resterait maîtresse de notre conquête, et agrandirait à nos dépens ses établissemens d’Afrique. Tel sera le premier résultat bien positif de la quadruple alliance.

Il se peut que cette combinaison ne l’emporte pas ; mais elle a été conçue, et, si on n’ose pas la risquer, c’est uniquement parce qu’il a fallu s’avouer, au milieu même du triomphe des élections, qu’on n’est ni assez fort, ni assez stable pour supporter le fardeau d’impopularité qui s’attacherait à cette mesure, et parce que pas un des ministres n’a eu le courage de se mettre au cou cette lourde pierre. Nous nous trompons : un ministre, un seul, et on peut facilement le nommer, se trouvait assez grand pour tenter cette entreprise, assez puissant pour la faire réussir, assez éloquent et assez habile pour en démontrer aux chambres l’avantage et l’opportunité. Nous ne doutons pas en effet qu’il eût trouvé facilement des flots de paroles à verser du haut de la tribune, pour prouver que nous gagnerions de l’influence, de l’argent et de la gloire, en abandonnant la conquête de Charles x ; mais ses collègues du ministère se sont montrés peu disposés à le soutenir et à l’aider dans son dévouement excessif aux projets d’en haut. La question a donc été reportée à quelques jours, et le projet de colonisation européenne va mûrir dans les cerveaux ministériels, avec le projet non moins embarrassant des forts détachés.

Le parti prudent du ministère ne se dispose pas à entrer aussi légèrement que le ministre dont nous parlons dans la session qui va s’ouvrir. Cette session pourrait bien être semée de quelques embarras, et en pré-