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membres. Le marbre de cette statue est travaillé avec une précision rare : ni le temps, ni les soins n’ont manqué à la pensée de l’artiste ; mais où est cette pensée ? Cette attitude est-elle bien celle d’un mourant qui annonce une victoire ? S’il faut en croire les initiés, les lignes et les mouvemens ont été plusieurs fois modifiés avant que le ciseau timide de l’auteur s’enhardît à entamer le bloc. Rien n’a été donné au hasard. Il n’y a pas une inflexion musculaire qui puisse être prise pour une improvisation irréfléchie ; tout a été calculé, mûri, laborieusement prémédité. Or, je le demande, y a-t-il dans le geste du soldat ce mélange d’enthousiasme et de défaillance qui semble indispensable au sujet ? Il y avait, j’en conviens, de grandes difficultés à vaincre. La pensée à traduire n’avait pas l’unité simple que la statuaire doit préférer plus encore que la peinture, puisque ses ressources sont plus étroitement limitées. Mais cependant on pouvait circonscrire la défaillance dans l’affaissement général du torse et des membres, et graver dans le regard, dans la bouche, dans l’expression entière du visage, la résignation glorieuse du vainqueur et la joie de ses derniers momens. Je ne sache pas qu’il soit possible à l’analyse la plus déliée, la plus complaisante et la plus sagace, de démêler dans la statue de M. Cortot les deux sentimens qui devaient présider à la composition. On peut regarder long-temps le marbre qu’il a ciselé sans deviner ce qu’il signifie. Pour moi, je l’avoue, je n’y peux lire, ni les approches de la mort, ni l’exaltation du triomphe. Je n’y vois qu’un modèle humain assez scrupuleusement, mais aussi assez lourdement copié. La tête est une réminiscence très évidente de l’Alexandre mourant dont le masque est accroché aux murs de tous les ateliers. La ligne du dos et de la hanche droite est pénible plutôt que vraie. Le bras gauche n’est pas étudié avec la souplesse et le détail qu’on avait lieu d’espérer. Le torse, et principalement la partie pectorale, est divisé en plans purs et harmonieux ; mais chacun de ces plans semble plutôt le souvenir de morceaux connus que l’inspiration de la nature. Le mouvement du bras droit est tourmenté, mais n’exprime rien. Le type du pied droit qui, dans un morceau évidemment académique, devrait avoir de la noblesse et de la beauté, est pauvre, mesquin, et ne pourrait à coup sûr être proposé pour modèle. La musculature entière de la jambe