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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

les réfuter. Pourtant il y avait dans M. Gudin toute l’étoffe d’un homme habile, s’il eût résisté plus courageusement aux séductions de la flatterie. Il avait débuté avec éclat ; les applaudissemens l’ont perdu ; au lieu de monter, il n’a fait que descendre.


Le Larmoyeur de M. A. Scheffer est un retour prudent et heureux vers sa manière de 1831. Le peintre semble avoir compris qu’il s’entendait mieux aux pastiches de Rembrandt qu’aux silhouettes calquées sur les gravures de l’école allemande. Le succès du Larmoyeur sera plus grand et plus légitime que celui de la Marguerite de l’année dernière. La tête du Larmoyeur est belle, pas assez solide peut-être, mais d’une couleur ingénieusement souvenue. Quant au cadavre du fils, je l’aime moins ; le ton des lèvres est faux.


Le François Ier de M. Alfred Johannot signale un progrès éclatant dans la manière de l’artiste. Il y avait loin du conseiller Crespierre à Mlle de Montpensier. Il y a plus loin encore de cette composition au François  ier. En 1831, la peinture de M. A. Johannot était précieuse, timide et successive. Les morceaux étaient étudiés, mais ne se reliaient pas. En 1833, il avait atteint l’unité, mais sa pensée, quoique bien conçue, manquait de largeur et de développement. Pour couvrir sa toile, il avait encore recours à des personnages épisodiques dont l’absence n’aurait laissé aucun regret. Cette année, il a mieux fait ; il a mieux coordonné toutes les parties de son tableau. La pâte des figures est plus solide et plus nourrie, mais l’intention individuelle des personnages me semble trop explicite et trop officielle. On voit que chacun joue son rôle et s’inquiète de l’effet qu’il produira. Le roi de France et l’empereur sont bien posés ; mais peut-être la stature du prisonnier de Madrid est-elle un peu exagérée. La curiosité empreinte sur les visages espagnols, et mêlée d’une arrogante raillerie contre le vaincu, la consternation et la rage dessinées sur les visages français, sont un contraste heureux. Mais peut-être y a-t-il dans l’expression des physionomies une intention trop arrêtée. Peut-être les attitudes sont-elles trop symétriquement disposées. Ici l’art se nuit à lui-