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leur cens de quarante schellings, et les droits dont ils sont investis par ce cens, je regarderais la résistance comme légitime, et moi-même, prenant part à l’opposition, à la lutte du juste contre l’injuste, je m’exposerais (je ne crains pas de le dire) aux chances d’une guerre qui m’apporterait peut-être pour résultat un échafaud. » Et, malgré cette vive déclamation de notre orateur, la proposition que fit en 1829 le gouvernement anglais d’émanciper les catholiques (sous la condition expresse de se dessaisir de ce privilège), fut acceptée sans aucune opposition de la part d’O’Connell, tant il était changé depuis quatre ans, tant ses opinions et sa conduite avaient été modifiées sur l’importante question dont il s’agissait alors.

Vers la même époque, le gouvernement anglais proposa une autre mesure d’une importance extrême. Elle avait pour but de diminuer le danger attaché à l’influence des catholiques dans le parlement, et, pour y parvenir, on proposait de rétribuer le clergé irlandais. On sait que les prêtres irlandais ne reçoivent rien du gouvernement. N’attendant rien de lui, ils sont plus libres et par conséquent plus dangereux. D’un autre côté, par position et par devoir, ils sont obligés d’avoir des rapports continuels avec les paysans grossiers et les habitans dont ils attendent leur subsistance ; de là l’influence qu’ils prennent sur l’esprit des Irlandais, influence qu’ils augmentent et affermissent par les ressources que leur offrent la crédulité et les dispositions superstitieuses de leurs ouailles. De là aussi, indépendance dans la conduite des prêtres relativement au gouvernement ; hostilité des Irlandais contre ce même gouvernement, jointe à une ignorance profonde, soigneusement entretenue par le clergé qui en profite.

Toutes ces réflexions avaient été faites en Angleterre, et on en avait conclu la nécessité de rétribuer les prêtres irlandais, comme nous l’avons dit plus haut. Mais ceux-ci appréciaient la valeur de leur indépendance. Quelques-uns d’entre eux se laissaient, il est vrai, séduire par l’appât d’un salaire fixe, mais la majorité le rejetait bien loin. O’Connell, qui trouvait en eux de puissans auxiliaires, repoussait l’introduction de cette mesure qu’il a toujours combattue. Que dans cette affaire O’Connell ait été l’instrument des prêtres, ce dont il est permis de douter, ou que plutôt, comme