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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

des Blanchets (white boys), des partisans du capitaine Roch, et du reste de cette chouannerie, qui sous des noms divers a infesté l’Irlande pendant les six dernières années qui viennent de s’écouler. Courage, adresse et légèreté, ces trois principaux attributs nationaux des Irlandais ne se sont jamais mieux et plus complètement développés que dans les circonstances qui ont accompagné ces diverses insurrections rurales. D’ailleurs on ne doit pas oublier que les troubles et les mouvemens insurrectionnels se sont surtout manifestés dans le midi et l’ouest de l’Irlande, encore n’est-ce que partiellement ; il est très rare que la révolte apparaisse à la fois dans plusieurs cantons. Les troubles deviennent-ils menacans, la petite noblesse se constitue en état de siège ; elle fortifie ses manoirs et ses domaines. Chaque homme est armé, des tumultes et des rencontres sanglantes ont lieu chaque jour. Enfin la loi militaire, dans toute l’extension de ce mot, est en vigueur, jusqu’à ce que les gendarmes et les soldats aient réprimé les mécontens, les aient fait rentrer dans le calme et le devoir. Ils redeviennent paisibles alors ; mais à leur haine contre les riches se mêle la haine du gouvernement, et ils servent d’instrumens faciles aux agitateurs.

Cette double irritation, qui subsiste constamment en Irlande contre l’aristocratie propriétaire des terres d’une part, contre l’église protestante et le gouvernement de l’autre, est si bien comprise au moment où nous parlons, que la première est communément appelée agitation territoriale (predial agitation) ; la seconde, agitation politique. À cette dernière se rattache un nom fameux : celui d’O’Connell. C’est le démagogue de l’habileté la plus consommée, celui qui sait le mieux faire tendre à la réalisation de ses projets particuliers les mouvemens populaires. À n’entendre que ses discours, il semblerait impossible de rencontrer dans l’état un homme aussi utile pour maintenir la paix publique, une paix durable et exempte d’orages, un homme plus ennemi des troubles dont les campagnes sont l’objet et le théâtre. Dans tous ses discours, il exhorte les Blanchets et les autres paysans insurgés à cesser leurs hostilités illégales. Il les dénonce comme les ennemis les plus funestes de l’Irlande ; il met sa joie la plus constante, son orgueil le plus vif dans les agitations politiques de son pays, qui, dit-il, sont le plus sûr remède contre les soulèvemens intérieurs des paysans.