Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/612

Cette page a été validée par deux contributeurs.
606
REVUE DES DEUX MONDES.

Le lieutenant Mac Lean ayant écrit un journal de son voyage, nous le laisserons parler lui-même, supprimant toutefois quelques détails qui ne peuvent avoir d’intérêt que pour les gens de Sierra-Leone.

« Le 3 mars 1827, je partis le matin de Freetown dans la yole du gouvernement avec la personne qui m’accompagnait en qualité d’interprète, et le soir même j’arrivai à la côte de Boulam. En débarquant, je me dirigeai de suite vers la ville d’Yougrou, que le feu roi avait nommée George Town, et j’y fus reçu par le régent, par un puissant chef mandingo nommé Dalmahoumedii, et par plusieurs autres chefs et gens principaux du pays. On m’assigna pour demeure une très bonne maison construite à la manière du pays, et peu après j’y fus visité par les différens chefs et hommes notables qui venaient me présenter leurs respects et m’offrir leurs services, comme au représentant du gouverneur de Sierra-Leone. La plupart étaient des Boulams, gens qui sortent rarement de leur pays, et dont quelques-uns, malgré le peu de distance où ils sont de notre établissement, n’avaient jamais vu un homme blanc. Il y avait aussi bon nombre de chefs mandingos qui ont acquis dans le Boulam des propriétés, et dont l’influence en ce pays s’accroît de jour en jour. Ces Mandingos, qui sont tous mahométans, sont en général des hommes très intelligens et surtout très adroits. Au moyen de leur supériorité intellectuelle qui est incontestable, et par suite de l’esprit dominateur de leur religion, ils finissent toujours, dans les lieux où ils s’établissent, par se substituer à l’aristocratie indigène ; dans le Boulam, ce changement commençait déjà à devenir très apparent. Comme les chefs mandingos sont presque tous, les uns ouvertement et les autres sous-main, engagés dans le commerce des esclaves, et par conséquent ennemis du gouvernement anglais, il m’était enjoint par mes instructions de me tenir en garde contre eux et de m’opposer à leur parti dans l’élection qui allait avoir lieu.

«Dalmahoumedii est le principal des chefs mandingos du Boulam. C’est à beaucoup près l’homme le mieux informé que j’aie vu ici, et je lui ai trouvé même d’assez justes notions sur l’état politique de l’Europe. Il a de très grands biens et est propriétaire d’une ville tout entière, nommée Madina, qui n’est habitée que par des Mandingos.

« Le sol de cette ville et les terres environnantes constituent une sorte de fief pour lequel le roi de Boulam, comme seigneur suzerain, reçoit une redevance qui n’est guère que nominale. D’ailleurs, quoique Dalmahoumedii se reconnaisse ainsi pour vassal du roi, il a réellement presque autant de pouvoir et d’influence.

«Le jour de mon arrivée, il m’envoya un excellent dîner apprêté à l’européenne, et je ne pus faire moins que de l’inviter à en prendre sa part.