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REVUE DES DEUX MONDES.

Après être resté environ six mois à Fernando-Po, et avoir visité les points de la côte du Bénin où se fait le plus grand commerce d’esclaves, M. Holman se rend à l’île de l’Ascension sur le vaisseau qui l’avait amené d’Angleterre. Dans ces parages, rencontrant une galiote hollandaise qui se rendait au Brésil, il y prend passage, et après une courte traversée débarque à Rio-Janeiro. Arrivé malade, il ne prend pas même le temps de se guérir complètement, et le voilà qui part à cheval pour se rendre aux mines de Gongo Soco. Nous le laisserons aller, et nous reviendrons à Boulam ; mais d’abord il faut que nous disions quelque chose de l’origine des relations entre les noirs de ce canton et les blancs de l’établissement voisin.

En 1804, la colonie de Sierra-Leone fut attaquée par les naturels du pays et menacée d’une destruction complète. Presque tous les princes du voisinage étaient entrés dans la coalition, et ils avaient conduit contre la ville de Freetown une armée qui, déjà nombreuse, devait s’augmenter encore de tout le contingent fourni par les tribus du nord. Cette seconde division se mit en marche, en effet, mais elle fut arrêtée par un obstacle imprévu. Pour opérer sa jonction avec le reste des troupes coalisées, il fallait qu’elle traversât les états du roi ou sherbro de Boulam. Ce prince, à la vérité, avait, quelque temps auparavant, fait alliance avec les Anglais, mais on ne doutait point qu’il ne les abandonnât dans leur malheur, et ceux-ci même n’attendaient de lui, tout au plus, qu’une stérile neutralité. Cependant il déclara qu’étant allié du roi de la Grande-Bretagne, il ne pouvait favoriser ni directement ni indirectement les projets de ses ennemis ; qu’en conséquence non seulement il ne consentait point au passage demandé, mais qu’il trouverait bien moyen de l’empêcher si on s’avisait de le tenter. En vain eut-on recours aux promesses, puis aux menaces ; il persévéra dans sa résolution, et fit respecter son territoire. Le plan de campagne des coalisés se trouvant ainsi dérangé, leurs troupes se séparèrent sans avoir rien fait d’important.

Les colons, qui sentaient bien que sans la fermeté du prince de Boulam l’issue de la guerre aurait pu être toute différente, ne négligèrent rien pour le confirmer dans ses bonnes dispositions à leur égard. Une députation lui fut adressée pour l’engager à venir visiter ses amis les hommes blancs de Freetown, et réussit à l’amener. On lui avait préparé une réception magnifique, et après l’avoir, plusieurs jours durant, régalé aussi bien que le permettait l’état de la colonie, on le couronna en grande pompe sous le nom de roi Georges.

Depuis ce moment, les relations les plus amicales ne cessèrent d’exister entre le gouvernement de Sierra-Leone et le pays de Boulam. Le roi