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rement le mouvement de la cuisse droite. Si le défaut d’équilibre doit servir à exprimer la frayeur, comme le prétendent quelques esprits complaisans, le moyen choisi par le peintre est au moins singulier ; en outre, il donne une ligne malheureuse.

On sait que le bourreau de Jane s’est agenouillé pour obtenir le pardon de sa royale victime ; on sait qu’il lui a demandé grace avant de lui trancher la tête. Est-ce donc là un fait tellement indifférent qu’il n’importe pas au peintre et au poète ? Quand l’histoire, en racontant la mort d’une reine, met un pareil prologue à une pareille tragédie, l’art doit-il être plus mesquin que l’histoire ? N’y aurait-il pas eu quelque chose de saisissant et de grave dans ce bourreau agenouillé tenant sa hache d’une main et demandant aux lèvres qui tout-à-l’heure seront glacées un pardon dont la loi le dispense ? Ceci, qu’on y prenne garde, n’est pas de la poésie littéraire ; c’est une circonstance dramatique qui ne répugne en aucune façon à l’expression pittoresque. Placé comme il l’est dans le tableau de M. Delaroche, le bourreau de Jane n’a rien d’original ni de caractéristique ; sans l’inscription gravée sur le cadre, nous pourrions très bien ignorer quelle tête va tomber. Sir Bruge, qui soutient Jane, est placé de telle sorte qu’il se compose uniquement d’une tête, d’une main, d’un pied et d’un manteau. Il est impossible de deviner dans les lignes du vêtement la présence du torse et des membres ; or, je ne sache pas une attitude qui permette au peintre de ne pas montrer l’homme sous le costume. La besogne, telle que M. Paul Delaroche l’a conçue pour sir Bruge, est singulièrement simplifiée ; mais je la crois très insuffisante. La femme placée à gauche près du cadre, et qu’on dit évanouie, me semble, à moi, dormir nonchalamment ; en outre, la partie supérieure du corps témoigne seule de sa présence ; quant aux cuisses et aux jambes, il n’est pas permis de les deviner sous la draperie, car l’étoffe se chiffonne sur elle-même, mais ne s’applique sur rien. Je ferai le même reproche au satin de la robe de Jane. À partir du genou droit, la robe semble vide. L’âge de la figure, dix-sept ans, ne justifie pas, au moins pittoresquement, la ligne des hanches. Il est permis de supposer, à l’époque de la puberté, un développement plus prononcé dans les formes.

Je ne crois pas devoir insister sur une remarque puérile et que