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LE SOUPER CHEZ LE COMMANDEUR.

service que de le surveiller un peu dans son travail. Je te prie aussi de lui rappeler que j’étais de l’ordre de Saint-Jacques.

Don Juan.

Est-ce tout, commandeur ?

Le Commandeur.

Raconte-lui ce qui s’est passé dans mon sépulcre cette nuit. Ta conversion est une histoire à clore dignement le livre de notre famille.

Don Juan.

Ho ! ho ! qu’est-ce que je vois là ? mon cheval couvert de soie et de velours comme pour un triomphe !

Le Commandeur.

Tu craignais pour lui le froid du matin, j’ai fait jeter ma cape sur ses épaules.

Don Juan.

Y penses-tu, commandeur ? elle est aux armes de ta famille.

Le Commandeur.

N’es-tu pas l’époux d’Anna ?

Don Juan.

C’est vrai, le mariage est consommé par la chair et par l’esprit.

Le Commandeur.

Prends-les, mon fils, je te les donne. Le soleil de notre famille n’aura fait que passer sous la terre, il va renaître et se lever tout glorieux à l’autre point du ciel. La stupeur des hommes sera grande. Nous te donnons nos armes ici-bas, et là-haut notre bénédiction.

Don Juan.

Je porterai votre bénédiction dans mon ame, et vos armes sur ma poitrine comme font les pères de la Merci à Tolède.

Le Commandeur.

La terre se réveille à l’explosion des soleils ; le chœur des statues se tait, celui des hommes va commencer.