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LE SOUPER CHEZ LE COMMANDEUR.


Et quand ils l’eurent bien pilée en leur mortier,
Ils plongèrent la lance, et puis l’éponge amère
Qu’un infâme soldat, sous les yeux de ta mère,
Vint t’offrir, ô Jésus, sans honte et sans pitié !

Car, te voyant si plein de flamme lumineuse,
Ils avaient bien prévu qu’il leur faudrait la croix,
Et que tu laisserais se dessécher tes doigts
Plutôt que de cueillir leur herbe vénéneuse.

Mais la force dompta ce dégoût si profond,
Et quand tu fus cloué sur l’infâme potence,
Ô désolation ! amère pénitence !
Il te fallut vider la coupe jusqu’au fond.

iii.


Une femme essuya ta face avec ses voiles,
Une femme pour toi souffrit les sept douleurs ;
Une femme t’ouvrit ses paupières en pleurs
Lorsque le firmament éteignait ses étoiles.

Quand tu fus mort, ô Christ ! une femme essuya
Ton cadavre divin et le mit dans la tombe,
Et quand tu t’envolas, ô céleste colombe,
Une femme chantait encore alleluia.

Au nom de ces splendeurs devant qui l’on s’incline,
De ces anges qui tous ont souffert de tes maux
Et sont venus cueillir leurs célestes rameaux
Sur l’arbre ensanglanté de la triste colline ;

Christ, par tous les péchés qui furent expiés,
Par ta sainte auréole et ses ardentes flammes,
Par le chœur éternel des angéliques femmes
Dont les pleurs ont mouillé la plante de tes pieds ;

Par toute la splendeur qui là haut t’environne,
Par ton père, et ta mère, et par le saint esprit,
Regarde notre fille, ô divin Jésus-Christ,
Et ton simple regard lui fera sa couronne !