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réclamait des places et des emplois pour l’opposition, de l’indépendance pour les fonctionnaires, et surtout pour les membres du corps enseignant. Je ne vous ai même pas tout dit, car j’ai craint de vous fatiguer en vous répétant les longs et énergiques anathèmes qu’il lançait alors contre Jacques ii, qui eut l’indignité de destituer Locke de sa place de l’université d’Oxford. « Ce fut un des griefs publics contre lui, disait M. Guizot ; l’histoire s’est crue obligée d’en éterniser le souvenir. » Et il ajoutait, en s’adressant aux ministres de la restauration qui destituaient les fonctionnaires : « Vous ne voulez l’opposition si faible, que parce qu’au fond elle est encore trop forte contre vous ; vous ne lui enlevez si soigneusement les moyens d’action directs et réguliers qu’elle devrait avoir, que parce que, si elle les avait, vous, ministres, vous ne tiendriez pas devant elle. Si le jury, l’administration municipale, l’instruction publique, tant d’autres institutions étaient réelles et investies de l’indépendance qui leur appartient, des voix s’élèveraient de toutes parts pour accuser votre système, et il tomberait ! » Eh bien ! M. Guizot, l’auteur de ces paroles, est justement ministre de l’instruction publique, et en face de son banc, l’œil chargé de reproches, et le regardant avec plus de compassion que de douleur, se trouve un membre de l’université, un ancien ami de M. Guizot, un de ceux qui l’ont le plus fidèlement servi au milieu de tous les combats pacifiques qu’il livra pendant la restauration, dans le Globe et au sein de la société Aide-toi, le ciel t’aidera, contre les philosophes du xviiie siècle et les ministres des Bourbons, un de ceux qui l’ont aidé le plus efficacement à abattre tour à tour M. Corbière et Diderot, Voltaire et M. Villèle. Cet ami, ce compagnon de travail, vient d’être destitué par M. Guizot, ainsi qu’un conseiller d’état, pour avoir parlé la veille, l’un et l’autre, à la tribune, dans un sens opposé aux vues du ministère, et à quelles vues encore ! M. Guizot, ministre du gouvernement des barricades, a privé de l’emploi qui lui donnait du pain, ce savant et modeste professeur qui avait eu l’audace de demander, en sa qualité de député de la Vendée, la suspension indéfinie des pensions accordées aux chouans par la juste reconnaissance des Bourbons. Et M. Guizot se justifie de la sorte du rude coup qu’il vient de porter : « Il n’y a rien, dans ce que j’ai cru devoir faire à l’égard de M. Dubois, qui