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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

qui, pour être d’un exemple efficace, fut infligée très peu de temps après le délit. » Ce projet de loi et cet exposé de motifs étaient-ils de M. Guizot ? Il y a lieu de le croire, car en même temps M. Royer-Collard, son ami, son guide alors, venait à la chambre, en qualité de commissaire du roi, défendre la loi sur les cours prévotales. M. Guizot était certainement à cette époque, et fut encore long-temps sous l’empire d’une réaction morale contre la liberté, qui s’est renouvelée récemment en lui, mais, il faut le dire, avec moins de force. Sa présence dans les bureaux des ministères, sous l’abbé de Montesquiou comme sous M. Barbé-Marbois, comme sous M. Decazes qu’il servit ensuite, fut constamment signalée par des lois de rigueur et d’exception, et certes ce n’est pas le hasard qui fit cette remarquable coïncidence. Le caractère de M. Guizot l’explique de reste, et les esprits de sa trempe laissent peu à faire au hasard en pareil cas.

Je vous ai dit que M. Guizot se plaît à constituer, que c’est là sa manie, sa rage, son talent, si vous voulez. C’est une tendance que vous retrouverez dans tout ce qu’il a écrit, dans presque tout ce qu’il a fait ; il la pousse si loin, qu’en histoire comme en politique il a de l’humeur, de l’aversion et plus souvent du mépris pour toutes les choses qui se sont constituées sans lui, je veux dire contre celles qui ne s’adaptent pas parfaitement au système historique qu’il a créé, ou qui ne répondent pas aux nécessités politiques qu’il a établies. En continuant de suivre M. Guizot, nous verrons qu’il a voulu constituer le pouvoir, puis la liberté, puis le pouvoir encore ; nous le verrons rassemblant partout des élémens d’ordre et de discipline, organisant la hiérarchie jusque dans l’opposition, quand il vint s’y réfugier ; nous le verrons méthodique et pointilleux jusque dans l’insurrection. Nous nous expliquerons en quelque sorte, comme M. Guizot se l’explique sans doute à lui-même, ses passages fréquens et quelquefois si brusques d’un camp dans un autre, ses attaques successives contre le gouvernement et contre le peuple ; nous saisirons l’idée qui a fait couler de sa plume tour à tour l’encre rouge du censeur, les projets de loi furibonds des premières années de la restauration contre la liberté de la presse, et plus tard des brochures brûlantes de libéralisme et d’indépendance ; nous en viendrons même, avec quelques efforts, à