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LE CHEVALIER DU COUËDIC.

mourut pour la patrie. Sont-ce là les honneurs réservés à sa veuve ? » À la vue de ce tableau, où l’on aperçoit tout d’abord Du Couëdic trois fois blessé, debout parmi les morts et les mourans, intrépide et calme au milieu de la mitraille et des boulets ; à la vue de Mme Du Couëdic, pâle, échevelée, palpitante, belle encore, dont les yeux, à travers des pleurs de femmes, s’allument du sentiment de sa vive indignation, étincellent comme d’un rayon de la gloire de son mari ; à cette vue, disons-nous, les envahisseurs étonnés, émus, attendris, s’arrêtent, se jettent des regards confus où se peint leur indécision, et cédant bientôt à l’invitation de leur chef aussi troublé qu’eux-mêmes, ne tardent pas à se retirer, balbutiant à demi-voix quelques vagues excuses.

Aujourd’hui même le combat de la Surveillante n’est point encore oublié en Bretagne. Le patriotisme local, propre aux habitans de cette province, a conservé intact le souvenir de cette gloire, pour ainsi dire, de famille ; le spectacle de tous ces grands événemens qui, depuis quarante années, ont rempli le monde et occupe toutes les voix de la renommée, ne l’a point effacé de leur mémoire. À Quimperlé, ville natale de Du Couëdic, où bien des vieillards ont été ses contemporains, on se plaît encore, à l’heure même, à montrer la maison où il passait au sein de sa famille ses courts instans de loisir.

Cette maison n’est remarquable que par les souvenirs qu’elle rappelle et dont elle est comme remplie. On ne saurait rien imaginer de plus simple et de plus modeste. Elle n’a ouvert sa porte à aucune des recherches du luxe et de la civilisation moderne ; elle est demeurée telle qu’au temps de Du Couëdic. Il en est de même de la maison de Latour-d’Auvergne à Carhaix, de même de celle de Moreau à Morlaix. Nous nous rappelons encore avoir vu dans notre enfance, dans cette même ville de Morlaix, un jeu de boules, tenu par une marchande de crêpes, où M. de Guichen passait d’ordinaire ses après-midi. Ce fut là que le rencontra le courrier de la cour qui lui apportait le cordon bleu, seul cordon de cette couleur qui probablement ait été trouver en lieu semblable le personnage qu’il devait décorer, mais le seul aussi, peut-être, accordé en dehors de toutes considérations de naissance et de famille, et seulement au gain de trois batailles navales sur les An-