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LE CHEVALIER DU COUËDIC.

céda enfin aux instances de se laisser panser qu’on lui faisait depuis long-temps ; la perte de son sang, qui depuis plusieurs heures coulait par trois blessures, l’avait affaibli jusqu’à l’épuisement. Un seul officier de l’état-major, Dufresneau, n’était pas grièvement blessé : c’est à lui que fut remis le commandement de la frégate. Il fit route vers l’extrémité ouest de la Bretagne.

Les deux cutters, nous l’avons dit, avaient cessé de combattre, afin de porter secours aux frégates. L’Expédition se trouva bientôt à l’endroit où avait sauté le Quebec, et où surnageaient encore un certain nombre de matelots anglais. Guidée par leurs cris, car l’obscurité était survenue, l’Expédition parvint à en sauver huit, parmi lesquels se trouvait le premier lieutenant, John Roberts. En dépit d’une fracture au bras droit, il s’était soutenu sur l’eau plusieurs heures. Cruellement maltraitée dans son combat avec le Rambler, l’Expédition, se dirigeant sur un fanal placé à l’arrière de la Surveillante, parvint pourtant à rallier cette dernière. On décida qu’elle essaierait de lui donner la remorque ; des cordages furent passés à cet effet de l’un à l’autre navire, manœuvre qui les tint quelques instans dans un voisinage très rapproché. Les Anglais de la Surveillante et ceux de l’Expédition en profitèrent pour entrer en conversation. C’était à qui ferait résonner le plus vite et le plus fort les noms de ses amis, pour s’assurer s’ils se trouvaient parmi les survivans. De joyeux houras accueillaient çà et là quelques noms ; le plus grand nombre était suivi d’un morne silence.

Mille périls menaçaient encore la Surveillante et l’Expédition. Bordages, courbes et baux de la frégate avaient été mis en pièces par le combat ; les voies d’eau, imparfaitement fermées, pouvaient se rouvrir d’un moment à l’autre, et il n’y avait plus de pompes en état de servir : les seules épargnées par le feu de l’ennemi se trouvaient maintenant hors de service par l’emploi forcé qui en avait été fait. Des canons gisaient sur leurs affûts brisés, d’autres roulaient çà et là ; les armes à feu, fusils, pierriers, pistolets, étaient détériorés, et n’auraient pu d’ailleurs servir, faute de poudre : en éteignant le feu, on en avait noyé le peu qui n’avait pas été consommé dans le combat. En cas d’attaque d’un ennemi, l’équipage en eût été réduit au sabre, à la hache, aux poignards. Le