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LE CHEVALIER DU COUËDIC.

qu’un dernier signal pour se précipiter au milieu des Anglais. À leur tête sont trois jeunes gardes de la marine, tous trois neveux de Du Couëdic. De son poste de combat il fait deux ou trois pas vers eux, et, leur adressant la parole : « Allons, jeunes gens, leur dit-il gaiement, voilà le moment de songer à l’honneur de la famille. » Tous vont s’élancer…

En ce moment une épaisse fumée, entremêlée de quelques jets de flamme, sort des flancs du Quebec et tourbillonne sur le pont. Le feu s’étend avec une telle rapidité de l’arrière à l’avant de la frégate, que la chaleur s’en fait sentir à bord de la Surveillante ; elle-même s’enflamme par son beaupré. Au même instant les blessés qui encombrent la cale s’écrient que le navire fait eau de toutes parts, qu’il s’enfonce rapidement. Du Couëdic fait jouer deux pompes restées intactes ; on met en place quelques avirons de galères, pour essayer de s’éloigner du Quebec, qui ne peut tarder à sauter. Les gardes de la marine s’élancent, à la tête d’un petit nombre de matelots, sur le beaupré qui brûle, et s’efforcent d’en abattre à coups de hache les parties enflammées ; travail difficile et périlleux, car il faut, pour l’exécuter, se tenir suspendu au-dessus des flammes qui dévorent de plus en plus rapidement le Quebec. Une horrible fumée, au milieu de laquelle éclatent des grenades, des obus, des artifices de toutes sortes, des armes toutes chargées, entoure les deux frégates d’une effrayante obscurité. Il n’en faut pas moins lutter contre l’eau et le feu ; ils menacent également. Du sein de ces périls divers, incertain de son propre salut et de celui de son équipage, Du Couëdic ne laisse pas que de s’occuper encore du salut des braves et loyaux ennemis qu’il vient de combattre. Un seul canot restait à bord ; il ordonne de le mettre à l’eau pour l’envoyer à sir George Farmer. On pousse ce canot, on le traîne hors du bord ; mais le manque de bras contrariant la manœuvre, il se crève en heurtant contre un canon de la batterie, accident qui le fait couler à fond aussitôt qu’il touche l’eau. C’est donc en vain que les Anglais, renonçant à l’espoir d’éteindre le feu, ne pouvant plus combattre, demandent, implorent du secours à grands cris ; l’équipage français n’a plus aucun moyen de leur en porter.

Pendant le combat, George Farmer avait été blessé deux fois par des balles ; il venait de l’être plus grièvement encore par la