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PAROLES D’UN CROYANT.

« Jamais le ciel n’aura été aussi serein, ni la terre aussi verte et aussi féconde.

« Et au lieu du faible crépuscule que nous appelons jour, une lumière vive et pure rayonnera d’en haut, comme un reflet de la face de Dieu.

« Et les hommes se regarderont à cette lumière, et ils diront : Nous ne connaissions ni nous ni les autres, nous ne savions pas ce que c’est que l’homme : à présent nous le savons.

« Et chacun s’aimera dans son frère, et se tiendra heureux de le servir ; et il n’y aura ni petits ni grands, à cause de l’amour qui égale tout, et toutes les familles ne seront qu’une famille, et toutes les nations qu’une nation.

« Ceci est le sens des lettres mystérieuses que les Juifs aveugles attachèrent à la croix du Christ. »

Le sentiment populaire respire dans chacune de ces pages. La liberté n’y revient pas comme un mot sonore et creux ; il y a une intelligence précise des misères du pauvre et des iniquités qu’il subit. Quelques droites paroles mettent au défi tous les sophismes des législateurs :

« Les oiseaux du ciel et les insectes même s’assemblent pour faire en commun ce qu’aucun d’eux ne pourrait faire seul. Pouvez-vous vous assembler pour traiter ensemble de vos intérêts, pour défendre vos droits, pour obtenir quelque soulagement à vos maux ? et si vous ne le pouvez pas, comment êtes-vous libres ?

« Pouvez-vous aller d’un lieu à un autre si on ne vous le permet, user des fruits de la terre et des productions de votre travail, tremper votre doigt dans l’eau de la mer et en laisser tomber une goutte dans le pauvre vase de terre où cuisent vos alimens, sans vous exposer à payer l’amende et à être traînés en prison ? et si vous ne le pouvez pas, comment êtes-vous libres ? »

Ce sont en tout endroit des conseils d’union et d’association, qui offrent le sens juste du Bon homme Richard dans un ton élevé de pathétique et de poésie. Le dernier verset cité rappelle le pauvre Jacques, de Béranger. Mais l’esprit chrétien, qui court dans ces pages comme un vent fécond et violent, enlève la pensée jusqu’à des extrémités sublimes et ne connaît pas d’horizon :