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PAROLES D’UN CROYANT.

quoique le peuple eût soif dans le désert. En observant plus attentivement, d’ailleurs, la masse confuse de cette société où il n’avait d’abord vu que froideur et mort, il a découvert sous les premières couches croupissantes un grand travail de fermentation et de courans, et il s’est dit que c’était de ce côté plutôt qu’il fallait agir pour renouveler. On voit que le but est resté le même : spiritualiser, guérir, moraliser chrétiennement une société passée du matérialisme à l’indifférence. Mais dans le second procédé, auquel M. de La Mennais a recours depuis cinq ans environ, c’est à la société elle-même, c’est à ses élémens vierges et profonds, c’est au peuple en un mot qu’il s’adresse pour le régénérer par la parole et l’épurer. La méthode de liberté a remplacé chez lui ou du moins tempéré la méthode d’autorité. Cela sera sensible dans son développement philosophique comme cela l’est déjà dans sa prédication politique. Vis-à-vis du Saint-Siége, M. de La Mennais est resté soumis, docile et pleinement adhérent en matière de foi ; mais il a cessé de l’invoquer directement pour l’œuvre temporelle ; on sent qu’il n’en espère plus une effusion prochaine de doctrine qui descende sur le siècle. En face des gouvernemens, il est resté moins pénétré d’estime que jamais ; il a mesuré plus à nu leur égoïsme borné et leur absolue résistance à l’esprit. À cet aspect repoussant, les paroles de Samuel ont redoublé sur ses lèvres, mais les paroles d’un Samuel qui se sent pour le reste des hommes les entrailles de Jean le bien-aimé.

Nous parcourions rapidement l’ouvrage où le nouvel essor de cette ame ardente et aimante se trahit tout entier :

« Prêtez l’oreille et dites-moi d’où vient ce bruit confus, vague, étrange, que l’on entend de tous côtés ?

« Posez la main sur la terre, et dites-moi pourquoi elle a tressailli ?

« Quelque chose que nous ne savons pas se remue dans le monde : il y a là un travail de Dieu.

« Est-ce que chacun n’est pas dans l’attente ? est-ce qu’il y a un cœur qui ne batte pas ?

« Fils de l’homme, monte sur les hauteurs et annonce ce que tu vois ! »

Et viennent alors les signes évidens, les bouleversemens d’hier