Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LA VEILLÉE DE VINCENNES.

en faisant la moue, et je dis en me grattant la tête : C’est égal, je veux être soldat.

Le bon curé n’y tint pas, et ouvrant la porte toute grande, il me montra le grand chemin avec tristesse. — Je compris sa pantomime et je sortis. J’en aurais fait autant à sa place, assurément. Mais je le pense à présent, et ce jour-là je ne le pensais pas. Je mis mon bonnet de coton sur l’oreille droite, je relevai le collet de ma blouse, je pris mon bâton, et je m’en allai tout droit à un petit cabaret sur l’avenue de Versailles, sans dire adieu à personne.


vii.
La position du premier rang.


Dans ce petit cabaret je trouvai trois braves dont les chapeaux étaient galonnés d’or, l’uniforme blanc, les revers roses, les moustaches cirées de noir, les cheveux tout poudrés à frimas, et qui parlaient aussi vite que des vendeurs d’orviétan. Ces trois braves étaient d’honnêtes racolleurs. Ils me dirent que je n’avais qu’à m’asseoir à table avec eux pour avoir une juste idée du bonheur parfait que l’on goûtait éternellement dans le Royal-Auvergne. Ils me firent manger du poulet, du chevreuil et des perdreaux, boire du bordeaux et du champagne et du café excellent ; ils me jurèrent sur leur honneur que dans le Royal-Auvergne je n’en aurais jamais d’autre.

Je vis bien depuis qu’ils avaient dit vrai.

Ils me jurèrent aussi, car ils juraient infiniment, que l’on jouissait de la plus douce liberté dans le Royal-Auvergne, que les