Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
LEONE LEONI.

dans tous les pays les relations les plus brillantes et s’assura les protections les plus utiles.

Dans cette nombreuse société durent s’introduire, comme il arrive partout, des intrigans et des escrocs. J’ai vu à Paris, autour de Leoni, plusieurs figures qui m’ont inspiré de la méfiance, et que je soupçonne aujourd’hui devoir former avec lui et le marquis de — une affiliation de filous de bonne compagnie. Cédant à leurs conseils, aux leçons de Zanini, ou à ses dispositions naturelles, le jeune Leoni dut s’exercer à tricher au jeu. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il acquit ce talent à un degré éminent, et qu’il l’a probablement mis en usage dans toutes les villes de l’Europe sans exciter la moindre méfiance. Lorsqu’il fut absolument ruiné, il quitta Venise, et se mit à voyager de nouveau en aventurier. Ici le fil de son histoire m’échappe. Zanini, par qui j’ai su une partie de ce que je viens de vous raconter, prétendait l’avoir perdu de vue depuis ce moment, et n’avoir appris que par une correspondance souvent interrompue les mille changemens de fortune et les mille intrigues de Leoni dans le monde. Il s’excusait d’avoir formé un tel élève en disant que Leoni avait pris à côté de sa doctrine, mais il excusait l’élève en louant l’habileté incroyable, la force d’ame et la présence d’esprit avec laquelle il avait conjuré le sort, traversé et vaincu l’adversité. Enfin Leoni vint à Paris avec son ami fidèle, le marquis de —, que vous connaissez, et c’est là que j’eus l’occasion de le voir et de le juger.

Ce fut Zanini qui le présenta chez la princesse de X —, dont il élevait les enfans. La supériorité d’esprit de cet homme l’avait depuis plusieurs années établi dans la société de la princesse sur un pied moins subalterne que les gouverneurs ne le sont d’ordinaire dans les grandes maisons. Il faisait les honneurs du salon, tenait le haut de la conversation, chantait admirablement, et dirigeait les concerts.

Leoni, grâce à son esprit et à ses talens, fut accueilli avec empressement et bientôt recherché avec enthousiasme. Il exerça à Paris sur certaines coteries l’empire que vous lui avez vu exercer sur toute une ville de province. Il s’y comportait magnifiquement, jouait rarement, mais toujours pour perdre des sommes immenses que gagnait généralement le marquis de —. Ce marquis fut présenté