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LEONE LEONI.

tion, ou ma condamnation. Tu es coupable, je te pardonne, et je pars.

— Ne parle jamais de cela, s’écria-t-il avec véhémence. Raie à jamais ce mot-là de nos entretiens. Quand tu voudras me quitter, échappe-toi habilement sans que je puisse t’en empêcher ; mais tant qu’il me restera une goutte de sang dans les veines, je n’y consentirai pas. Tu es ma femme, tu m’appartiens, et je t’aime. Je puis te faire mourir de douleur, mais je ne peux pas te laisser partir.

— J’accepterai la douleur et la mort, lui dis-je, si tu me dis que tu m’aimes encore.

— Oui, je t’aime, je t’aime, cria-t-il avec ses transports ordinaires, je n’aime que toi, et je ne pourrai jamais en aimer une autre !

— Malheureux ! tu mens, lui dis-je. Tu as suivi ici la princesse Zagarolo.

— Oui, mais je la déteste.

— Comment ! m’écriai-je, frappée d’étonnement. Et pourquoi donc l’as-tu suivie ? Quels honteux secrets cachent donc toutes ces énigmes ? Chalm a voulu me faire entendre qu’une vile ambition t’enchaînait auprès de cette femme, qu’elle était vieille… qu’elle te payait… Ah ! quels mots vous me faites prononcer !

— Ne crois pas à ces calomnies, répondit Leoni, la princesse est jeune, belle, j’en suis amoureux…

— À la bonne heure, lui dis-je avec un profond soupir, j’aime mieux vous voir infidèle que déshonoré. Aimez-la, aimez-la beaucoup, car elle est riche et vous êtes pauvre ! Si vous l’aimez beaucoup, la richesse et la pauvreté ne seront plus que des mots entre vous. Je vous aimais ainsi, et quoique je n’eusse rien pour vivre que vos dons, je n’en rougissais pas ; à présent je m’avilirais et je vous serais insupportable. Laissez-moi donc partir. Votre obstination à me garder pour me faire mourir dans les tortures est une folie et une cruauté.

— C’est vrai, dit Leoni d’un air sombre, pars donc. Je suis un bourreau de vouloir t’en empêcher.

Il sortit d’un air désespéré. Je me jetai à genoux. Je demandai