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ception que semblaient annoncer samedi les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, en demandant le concours actif des chambres. Le pays est décidé à remettre au pouvoir toutes les armes qu’il demandera ; c’est à lui de connaître celles qui le tueraient lui-même.

La tranquillité de Paris ne sera pas troublée, on doit l’espérer. Le bon sens et la fermeté de la population parisienne feront plus en cette circonstance que toutes les précautions du ministère et les harangues du général Bugeaud, qui a parcouru les casernes en exhortant les soldats à ne pas faire de quartier dans le cas d’une bataille. On se souvient de l’impatience et de l’audace que montrait dernièrement à la tribune M. Bugeaud : on eût dit un lansquenet demandant le carnage. Le langage de M. Bugeaud exprime cependant la pensée des hommes les plus avancés de son parti, mais dépouillée des formes et des précautions dont se revêtent les esprits fins qu’il trahit par sa rudesse.

La lettre suivante, que nous recevons de Lyon, prouve que cette malheureuse pensée a été transmise à la plupart des agens du pouvoir. Nous n’avons pas besoin de faire remarquer sous quelle triste impression elle a été écrite.

« Mon cher monsieur, c’est de l’hôtel de la Préfecture, c’est tout couvert de poussière et de poudre que je vous écris à la hâte ces quelques mots qui vous donneront une faible idée de la malheureuse position de notre ville. Je quitte à l’instant M. Gasparin, et faut-il vous le dire, je n’ai point trouvé en lui ce calme réfléchi, ce courageux sang-froid qui l’avait distingué en d’autres circonstances moins graves ; le général Aymar m’a paru mieux en rapport avec la douleur des circonstances ; il a assisté, lui, à ce déchirant spectacle, il a payé de sa personne, et voilà pourquoi sans doute il juge plus sainement notre position.

« Vous connaissez Lyon et sa position topographique ; cette langue de terre qui s’étend si étroite entre les deux rivières et de l’autre côté de la Saône, ce quartier bâti d’étages sur étages où domine Fourvières ; pour une armée régulière, rien n’est plus facile sans doute que de s’emparer des ponts et par conséquent d’être maître de la ville centrale et plate, et de débusquer des grandes places les ouvriers insurgés, quoique cependant encore des couloirs sombres, des passages tortueux puissent servir à la fusillade désespérée de petites troupes d’insurgés.

« Mais la position véritablement inexpugnable, c’est toute la partie de la ville formant en quelque sorte échelle et qui se trouve sur les rives de la Saône ; de l’archevêché à Fourvières et sur toute la côte qui se prolonge le long de la rivière, il y aurait impossibilité, à moins de détruire de fond en comble toutes les maisons, de pénétrer dans ces véritables défilés de