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LITTÉRATURE ET PHILOSOPHIE MÊLÉES.

« Octobre 1830. Les têtes comme celle de Napoléon sont le point d’intersection de toutes les facultés humaines. Il faut bien des siècles pour reproduire les mêmes accidens. »

Comment est-il arrivé à cette sentence d’éclore en octobre 1830 plutôt que l’année précédente ou l’année suivante ? Je ne sais. Je n’aperçois pas la connexion intime qui unit ces idées, si toutefois ce sont des idées, à la date qui les a vues naître. Mais jugée absolument, sans tenir compte du lieu et de la date, que signifie cette sentence ? Qu’est-ce que le point d’intersection de toutes les facultés humaines ? D’aventure les facultés seraient-elles des lignes ? Qu’est-ce que cette singulière géométrie cérébrale ?

« Décembre 1830. Si le clergé n’y prend garde et ne change de vie, on ne croira bientôt plus en France à d’autre trinité qu’à celle du drapeau tricolore. »

Il n’y a rien à dire de cette menace.

« Feuillets sans date. Parmi les colosses de l’histoire, Cromwell, demi-fanatique et demi-politique, marque la transition de Mahomet à Napoléon. »

Je ne sais pas dans quelle histoire d’Europe M. Hugo a saisi cette transition de Mahomet à Napoléon par Cromwell. Si cette transition n’est pas juste, elle possède au moins le mérite de la nouveauté. À la vérité le penseur omet plusieurs points intermédiaires qui ne sont pas sans importance, tels par exemple que Charlemagne, Grégoire vii, Luther, Charles-Quint. C’est une belle chose que la simplicité ; mais la simplicité n’est belle qu’autant qu’elle sert de vêtement à des idées vraies. Il n’y a de vraiment simple que les idées générales ; il n’y a de vraiment général que les idées qui résument les faits. Dans l’ignorance ou l’omission des faits, il n’y a ni généralité ni simplicité ; il y a tout au plus la caricature de ces deux caractères magnifiques de la pensée.

Je m’arrête ici. Je ne veux pas poursuivre plus loin l’analyse déjà trop longue peut-être d’un livre que M. Hugo, dans l’intérêt de sa gloire, n’aurait jamais dû tirer de la poussière où il gisait enseveli. Le courage me manque pour traiter avec sévérité un recueil qui ne mérite qu’un seul châtiment de la part de la critique, l’oubli et le silence. J’aurais voulu prouver, mais la chose est inutile, que la poésie des mots, si habile qu’elle soit, n’est pas une méthode de