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place dans Scarron. Sans doute l’amant de la belle Diane a quelquefois montré dans le cours de ses aventures une brutalité révoltante ; mais à Chambord et à Fontainebleau le vice n’était-il pas élégant et parfumé ? Le cardinal-ministre, qui gouvernait Louis xiii pour régner sur la France, n’a jamais plié le genou devant les têtes les plus hautes ; toutes les fois qu’il a vu sa puissance en péril, il a traité les couronnes de perles et les couronnes à fleuron comme Tarquin les fleurs de sa villa. Mais, on le sait, Richelieu n’aimait pas le sang pour le voir couler ; les hommes qui lui faisaient obstacle n’étaient à ses yeux que des chiffres importuns qu’il rayait d’un trait de plume. Pour lui, une tête sur l’échafaud, c’était un nom effacé de la liste. Il y a loin du Richelieu de l’histoire au Richelieu de M. Hugo. Il n’est pas absolument impossible que la fille d’Alexandre vi ait rougi de ses déportemens, et qu’une fois en sa vie elle se soit livrée à un élan généreux ; mais cet accident, s’il était constaté, serait tout au plus une anecdote exceptionnelle dans la biographie de cette nouvelle Messaline, et la poésie qui s’adresse aux masses ne doit pas choisir les exceptions. Pareillement je ne voudrais pas affirmer qu’il ne s’est pas rencontré parmi les libellistes protestans une plume assez menteuse pour accuser Marie Tudor d’impudicité ; mais l’histoire tout entière de son règne est là pour témoigner contre cette accusation. Nous avons de ce bourreau catholique des lettres nombreuses adressées à Philippe ii, qui respirent la jalousie la plus désordonnée. Nous avons des négociations entamées avec les marchands de Bruxelles et de Liége pour des prêts usuraires destinés au roi d’Espagne. Est-il probable qu’une femme qui ne reculait devant aucun sacrifice pour ramener son époux, ait peuplé sa cour de favoris et d’aventuriers dissolus ? Marie n’a eu qu’une pensée, le rétablissement du culte catholique, et sous son règne la hache n’est jamais tombée que pour imposer silence aux consciences rebelles.

Depuis que M. Hugo a voulu mettre l’histoire au théâtre, il semble s’être imposé la tâche de mettre le théâtre hors de l’histoire. Depuis qu’il a choisi parmi les noms célèbres de nos annales le baptême de ses fantaisies, il n’a jamais tenu compte de la réalité pour la poétiser ; mais il a créé volontairement des types indépendans de la réalité pour leur imposer ensuite des noms choisis au