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ancienne ; des restes d’ameublement suranné, des lambeaux de tentures et quelques tableaux à demi dévorés par les rats occupèrent mon attention ; mais un objet plus intéressant pour moi me rejeta dans d’autres pensées. En entrant dans la chambre où avait couché Leoni, je vis à terre le fameux coffre. Il était ouvert et entièrement vide. J’eus l’ame soulagée d’un grand poids. Le dragon inconnu enfermé dans ce coffre s’était donc envolé ; la destinée terrible qu’il me semblait représenter ne pesait donc plus sur nous !

— Allons, me dis-je en souriant, la boîte de Pandore s’est vidée, l’espérance est restée pour moi.

Comme j’allais me retirer, mon pied se posa sur un petit morceau d’ouate oublié à terre au milieu de la chambre, avec des lambeaux de papier de soie chiffonnés. Je sentis quelque chose qui résistait, et je le relevai machinalement. Mes doigts rencontrèrent le même corps solide au travers du coton, et en l’écartant, j’y trouvai une épingle en gros brillans que je reconnus aussitôt pour appartenir à mon père, et pour m’avoir servi le jour du dernier bal à attacher une écharpe sur mon épaule. Cette circonstance me frappa tellement que je ne pensai plus au coffre ni aux secrets de Leoni. Je ne sentis plus qu’une vague inquiétude pour ces bijoux que j’avais emportés dans ma fuite, et dont je ne m’étais plus occupée depuis, pensant que Leoni les avait renvoyés sur-le-champ. La crainte que cette démarche n’eût été négligée me fut affreuse ; et lorsque Leoni rentra, la première chose que je lui demandai ingénuement fut celle-ci : — Mon ami, n’as-tu pas oublié de renvoyer les diamans de mon père, lorsque nous avons quitté Bruxelles ?

Leoni me regarda d’une étrange manière. Il semblait vouloir pénétrer jusqu’aux plus intimes profondeurs de mon ame.

— Qu’as-tu à ne pas me répondre ? lui dis-je, qu’est-ce que ma question a d’étonnant ?

— À quel diable de propos vient-elle ? reprit-il avec tranquillité.

— C’est qu’aujourd’hui, répondis-je, je suis entrée dans ta chambre par désœuvrement, et j’ai trouvé ceci par terre ; alors la crainte m’est venue que dans le trouble de nos voyages et l’agitation de notre fuite tu n’eusses absolument oublié de renvoyer les