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REVUE DE VOYAGES.

leurs pères, fortune qui provient en grande partie des bénéfices faits dans la piraterie.

On avait prétendu, et entre autres dans un écrit officiel[1], que la Régence était remplie de chrétiens esclaves exposés aux plus rudes traitemens. Cette assertion s’est trouvée complètement fausse. Il n’existait dans le bagne d’Alger, lorsque nous y entrâmes, qu’une vingtaine d’esclaves chrétiens, et en liberté, deux ou trois aventuriers qui étaient venus chercher fortune dans le pays. Tous les chrétiens établis depuis long-temps dans la Régence, et qui avaient embrassé l’islamisme, sont restés fidèles à leur nouvelle religion, et nous ont accueillis sans plus d’empressement que les Maures eux-mêmes, ce qui, soit dit en passant, n’est pas d’un heureux augure pour la conversion des vrais musulmans, si jamais on s’en occupe.

Dans son troisième volume, qui n’est pas moins complet que le précédent, M. Rozet décrit avec un soin minutieux les environs d’Alger et d’Oran, une partie de la plaine de la Metidjah et Medeyah. Pour les autres points qu’il n’a pu visiter, tels que Colia, Miliana, Constantine, etc., il donne les renseignemens qu’il a obtenus de gens du pays dignes de foi. Cette partie, entièrement topographique et peu susceptible d’analyse est suivie de détails curieux sur le gouvernement d’Alger. Ce gouvernement était, comme on sait, d’une simplicité extrême : le dey, élu par la milice turque, absolu tant qu’il vivait, mourait rarement dans son lit. Ceux qui lui arrachaient le pouvoir avec la vie cessaient ordinairement d’être d’accord lorsqu’il s’agissait de lui donner un successeur. Chaque parti proposait son candidat, et l’on s’égorgeait jusqu’à ce que la faction la plus forte mît les autres à la raison. C’est ainsi qu’on a vu cinq deys élus et massacrés dans un même jour, et les combattans, las de carnage, s’en rapporter au sort pour se donner un souverain. Les complots contre la vie du dey avaient été long-temps d’autant plus faciles, qu’il habitait dans le bas de la ville un palais sans défense. Ce ne fut qu’en 1816, qu’Aly-Pacha, prédécesseur de Hussein-Pacha, s’établit dans la Kasba, où, entouré d’hommes dévoués, il brava les janissaires. Hussein-Pacha n’était

  1. Le rapport sur la régence d’Alger, fait par ordre du gouvernement en 1830.