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septentrionale, M. Rozet n’a pas exposé avec une clarté suffisante comment, de maîtres du pays, ils sont insensiblement tombés au niveau des peuples qu’ils avaient vaincus, et subissaient comme eux le joug des Turcs, sans avoir fait aucun effort particulier pour s’y soustraire. Tel a été, du reste, le sort de ce peuple partout où il a porté ses armes victorieuses ; sur la côte orientale d’Afrique, à Madagascar comme en Barbarie, il a perdu peu à peu l’influence que lui donnait sa civilisation, pour tomber dans l’ignorance et dans l’avilissement, tout en conservant les caractères particuliers à sa race. Ceux d’Alger témoignent le plus profond mépris pour les Maures, et n’offrent dans leurs mœurs aucune différence sensible avec leurs compatriotes d’Égypte et d’Arabie. Comme eux, ils se sont divisés en deux classes distinctes ; l’une, attachée au sol et cultivant la terre ; l’autre, nomade, promenant çà et là ses troupeaux et rançonnant les voyageurs.

Les Juifs d’Alger racontent sur leur établissement dans le pays un miracle des plus étranges, et dans le goût de ceux dont est rempli le Talmud ; à part cela, ils ressemblent, sous tous les rapports, aux autres Juifs établis dans les contrées où règne l’islamisme ; ils jouissaient à Alger des mêmes immunités et subissaient les mêmes avanies qu’à Smyrne ou Constantinople. Des Turcs et des Koulouglis nous ne dirons qu’un mot. La manière dont les premiers se sont emparés de la Régence est bien connue. Ils exerçaient sur les habitans le même despotisme et les mêmes exactions que dans la Grèce et dans l’Asie-Mineure ; mais en même temps ils avaient conservé quelque chose de la loyauté de leurs compatriotes d’Europe. Aussi lorsqu’ils se sont embarqués, lors de la prise de la ville, ont-ils été regrettés par les autres classes de la population, qui avaient pour eux une sorte de vénération mêlée de terreur. Les Koulouglis sont les descendans des Turcs qui s’étaient alliés avec des femmes maures. L’opinion les distinguait ainsi des enfans d’un Turc et d’une esclave chrétienne qui conservaient le rang de leur père. Les Koulouglis forment une belle race d’hommes, abandonnée aux mêmes vices que les Maures, mais avec des mœurs plus polies et plus efféminées. Ils n’exercent aucune profession et vivent paisiblement de la fortune que leur ont laissée