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REVUE DES DEUX MONDES.

Ce n’était pas le vent, la cloche, le pipeau,
Ce n’était nulle voix d’enfant, d’homme ou de femme ;

C’était vous ! c’était vous, ô mon Ange gardien,
C’était vous dont le cœur déjà parlait au mien !


Quand plus tard mon fiancé venait de me quitter,
Après des soirs d’amour au pied du sycomore,
Quand son dernier baiser retentissait encore
Au cœur qui sous sa main venait de palpiter,
La même voix tintait long-temps dans mes oreilles,
Et sortant de mon cœur m’entretenait tout bas ;
Ce n’était pas sa voix ni le bruit de ses pas,
Ni l’écho des amans qui chantaient sous les treilles ;

C’était vous ! c’était vous, ô mon Ange gardien,
C’était vous dont le cœur parlait encore au mien !


Quand jeune et déjà mère autour de mon foyer
J’assemblais tous les biens que le ciel nous prodigue,
Qu’à ma porte un figuier laissait tomber sa figue
Aux mains de mes garçons qui le faisaient ployer,
Une voix s’élevait de mon sein tendre et vague,
Ce n’était pas le chant du coq ou de l’oiseau,
Ni des souffles d’enfans dormant dans leur berceau,
Ni la voix des pêcheurs qui chantaient sur la vague ;

C’était vous ! c’était vous, ô mon Ange gardien,
C’était vous dont le cœur chantait avec le mien !


Maintenant je suis seule et vieille à cheveux blancs,
Et le long des buissons abrités de la bise,
Chauffant ma main ridée au foyer que j’attise,
Je garde les chevreaux et les petits enfans ;
Cependant dans mon sein la voix intérieure
M’entretient, me console et me chante toujours ;