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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

rice au milieu de ses larmes. En commençant cette lettre qu’on va lire, il n’avait pas encore reçu celle de Wolfgang, et il adresse ces protestations de tendresse bien touchantes à sa femme morte.


Saltzbourg, 13 juillet 1778.


« Ma chère femme et mon cher fils !


« Je n’ai pas voulu manquer le jour de ta fête, ma chère femme. Je te souhaite des millions de bonheur, et je prie le Dieu tout-puissant qu’il te donne en ce jour la santé pour beaucoup d’années, et qu’il te fasse vivre aussi satisfaite qu’on peut l’être sur le changeant théâtre du monde. Je suis bien complètement convaincu que pour jouir d’un bonheur complet, il te manque d’avoir près de toi ton mari et ta fille. Dieu, dans sa sagesse, arrange tout pour le mieux ; ainsi pensais-tu, il y a un an, que tu passerais à Paris le prochain jour de ta fête ! Aussi bien que cela paraissait impossible, autant il est possible qu’avec l’aide de Dieu nous nous retrouvions tous ensemble ; c’est là ce qui occupe mon cœur uniquement. — Être séparé de vous, éloigné de vous, et vivre à une telle distance ! Pour le reste, Dieu merci, nous sommes en bonne santé. Nous deux, nous t’embrassons, toi et Wolfgang, un million de fois, et nous vous prions surtout d’avoir soin de votre santé.

« J’écrivais ces lignes hier au soir, mon cher fils, et à cet instant, à dix heures, je reçois ta lettre du 3 juillet. Tu peux facilement te figurer dans quel état est notre cœur ; nous avons tant pleuré que nous avons à peine pu lire ta lettre. — Et ta sœur ! — Grand Dieu, Dieu compatissant ! que ta sainte volonté se fasse ! Mon cher fils ! avec toute la résignation possible en la volonté divine, tu trouveras naturel, et tout-à-fait humain que mes larmes m’empêchent presque de pouvoir écrire. Quelle conclusion puis-je tirer enfin ? — Pas d’autre que celle-ci : maintenant, au moment où j’écris, elle est sans doute morte, — ou elle doit être mieux. On n’y peut rien changer ; j’ai toute confiance dans ton amour filial, je crois que tu as eu tous les soins possibles pour ta bonne mère, et que tu continueras de la servir avec amour si Dieu nous rend cette bonne mère dont tu étais la